Jusqu’au 8 février, Fisheye Immersive profite de chaque samedi pour mettre en valeur le travail de trois artistes voués à marquer 2025 de leur empreinte. Pour ce troisième épisode, focus sur Neema Githere, Hadeer Omar et Wang & Soderström.

Neema Githere (1997)
Née à Nairobi aux prémices d’Internet, Neema Githere est la milléniale par excellence. Tumblr, blogs, forums et jeux en ligne ont forgé son esprit de jeune fille, jusqu’à définir sa personnalité de femme et d’artiste. « Internet est mon outil et mon opposition », confie-t-elle à WePresent à l’occasion d’une curation menée par Ólafur Elíasson. Aujourd’hui installée à Los Angeles, Neema Githere mêle son goût pour le web à son identité de femme noire immigrée aux États-Unis. Associant l’écriture, le codage, l’organisation communautaire et les voyages, l’artiste se fait la porte-parole de « l’afroprésentisme », un mouvement tourné vers l’expérience de la diaspora noire et africaine d’aujourd’hui, un élan qui, à l’entendre, ressemble à une « rébellion temporelle ; un collage d’arts invisibles, en particulier le son, la mémoire et un désir qui vient d’au-delà de la chair. »
De son rapport complexe à Internet naît son projet #Digitaldiaspora, qui examine la façon dont les personnes noires de la diaspora se servent de ce réseau mondial pour se forger une identité, ou « comment l’expérience afro-diasporique se manifeste en ligne et hors ligne ». Une histoire du présent qui tire son titre de l’ouvrage éponyme d’Anna Everett, et qui s’appuie sur la recherche de milliers de hashtags à la recherche de différentes expressions et tendances au sein de la diaspora noire afin de « cartographier ces points d’émergence à travers le monde noir ». L’occasion pour Neema Githere d’élargir son travail aux questions de sursexualisation, de manque de représentation, de honte… Et de traduire ces sujets dans des collages numériques hautement redevables à l’esthétique Tumblr.


Hadeer Omar (1988)
Originaire d’Égypte, l’artiste multimédia Hadeer Omar a pour objectif de mettre l‘Afrique du Nord et le Moyen-Orient sur le devant de la scène, que ce soit dans son art ou dans les cours de médias temporels et de narration qu’elle prodigue à la VCUarts au Qatar. À travers le cinéma, la photographie, le design, l’installation et les outils numériques, Hadeer Omar questionne les notions d’identité culturelle et de mémoire au sein de la région MENA. Très installée à Doha, elle a notamment été l’une des co-présidentes de la conférence Tasmeem Doha Art and Design en 2019, et a également participé au programme d’artiste en résidence à la caserne des pompiers de Doha, de 2019 à 2021.
Ce lien fécond qu’entretient Hadeer Omar avec le monde arabe se matérialise dans 3arabizi keyboard, un projet pour lequel elle a reçu une mention honorable au prix STARTS – Grand prix de la Commission européenne à Ars Electronica. Au départ de cette œuvre, un constat : le clavier d’ordinateur et les messageries instantanées sont excluants pour les arabophones, qui doivent trouver des moyens de substitutions pour communiquer, en détournant notamment les chiffres. C’est ce qu’on appelle le système « 3arabizi », ou « Francoarabe », que l’artiste a tenu à mettre en lumière au sein d’ un travail numérique audiovisuel extrêmement narratif, et nettement plus éloigné des réflexions sur l’inconscient qu’elle semblait mener jusqu’alors.


Wang & Soderström (1988-1990)
Composé d’Anny Wang et de Tim Söderström, le duo d’artistes-designers suédois explore la relation entre mondes virtuels et physiques depuis 2016. Une sensibilité commune née sur les bancs de l’école qui se matérialise par l’exploration numérique et physique de formes organiques, comme pour mieux questionner la possible cohabitation de l’homme avec la technologie. À l’origine de ce goût pour l’expérimentation ? Les logiciels de créations 3D pour architectes. « Le week-end et le soir, nous avons commencé à jouer avec, à explorer les autres onglets et fonctionnalités. Nous avons commencé par créer des images fixes, puis nous avons lentement commencé à les animer et à créer des choses avec, se remémore la moitié féminine du duo, Wang, au média britannique Scan Magazine. Il n’y a pas de hiérarchie dans le monde numérique. On peut utiliser des matériaux très coûteux, comme le marbre, l’or, etc., qui sont très limités dans le monde réel, et on peut aussi briser toutes les lois de la physique. »
De fil en aiguille, le duo se tourne vers l’imprimante 3D afin de donner vie à ses formes numériques douces et colorées. Des objets virtuels flottants qui donnent à voir une autre image de la technologie, dont les représentations sont habituellement si froides, si dures. Ici, même sur l’écran d’ordinateur, les travaux de Wang & Soderström sont semblables à de petits animaux, des formes vivantes, sensuelles, à l’image de celles présentées en 2022 au sein de leur première exposition personnelle, Royal Chambers, à Copenhague. Ce lien avec le vivant, les deux comparses l’explorent et l’interroge sans cesse, profitant de leur pratique pour mettre en lumière certains problèmes environnementaux. Axé autour de la fourmis, leur premier solo show s’intéressait ainsi au micro et à l’importance de chaque élément terrestre dans le bon fonctionnement de notre planète grâce à des travaux numériques mais aussi des pièces physiques et des installations en trois dimensions. Wang & Soderström, ce serait donc l’alliance parfaite du virtuel et du physique ? Oui, mais aussi celle de l’humain et de la machine, comme le résume parfaitement Anny Wang : « Lorsque nous rendons le numérique plus humain, c’est parce que considérer la technologie comme faisant partie de la nature encourage une vision plus holistique de la manière dont nous pouvons cohabiter avec le monde numérique et notre planète en mutation ».



