L’exposition Banlieue, territoire-fiction, présentée dans le cadre de la Biennale Némo au Lavoir Numérique de Gentilly, interroge ce que le Grand Paris devient dans l’imaginaire contemporain. Parmi les six artistes rassemblés pour scruter les métamorphoses de la périphérie, trois d’entre eux, Nicolas Boone, Kaspar Ravel, Raphaël Guez, ont particulièrement retenu notre attention.
Au cœur des anciens bains-douches de Gentilly, l’exposition nous invite à traverser des périphéries qui n’en sont plus vraiment. À travers le travail des artistes présentés, la banlieue sert de point de départ à un récit mouvant, un champ d’expériences visuelles où se mêlent mémoire et projections. Inspirées du cinéma comme du jeu vidéo, les œuvres présentées au cœur de Banlieue, territoire-fiction ne montrent pas simplement la ville ; elles la rejouent, la transforment, la rêvent à rebours. Fiction documentaire, dérive sensorielle, géographie intime… Ici, chaque image devient un territoire à habiter autrement.

A86 Nord, Sortie 10 – Nicolas Boone
Suspendu sur les toits de la Courneuve, le film de Nicolas Boone installe un promontoire presque surnaturel au-dessus du tumulte urbain. Là, des silhouettes s’assemblent, celles d’ados et de parents qui s’agitent. Ailleurs, des voix et des confidences se murmurent, tandis que le ciel devient un comptoir de vie. Le regard glisse, la parole s’élève, l’espace périphérique, aussi immense soit-il, permet la création d’une scène intime. Avec A86 Nord, Sortie 10, Nicolas Boone détourne le regard caméra-jeux, transforme la banlieue en palimpseste d’aspirations, où les mots éclairent ce que l’on croyait déjà vu.

Dérive – Kaspar Ravel
Présentée pendant six mois dans une borne Timescope, un nouveau mode de diffusion de vidéo 360 degrés, Dérive de Kaspar Ravel a vu le jour dans le cadre de la mise en place du Grand Paris Express. À travers une image vacillante, pixellisée, glitchée, Kaspar Ravel transforme les accidents numériques en poésie du pavé, le tout autour de la station de métro Créteil – L’Échat. Le narrateur téléphone, et s’égare tandis que le spectateur le suit, oscillant entre contemplation et désorientation contrôlée. À l’aube du jour, Kaspar Ravel nous invite à lever notre nez deux minutes et à contempler un territoire qui s’agite, se fissure et révèle ses interstices sensibles.

Makom – Raphaël Guez
Makom (« espace » en hébreu) plonge le Val-de-Bièvre dans un froid extrême. Alors que les données météorologiques antarctiques investissent les alentours d’Arcueil, l’œuvre alerte sur les risques du dérèglement climatique, sans jamais négliger la poésie des images pour autant. Interrogeant également la mémoire des lieux, les identités mouvantes et les strates invisibles du territoire, l’ensemble numérique permet aux spectateurs de se projeter différemment et dans un futur dystopique (ou du moins, espérons-le), et dans un territoire encore trop pensé comme en marge.
- Banlieue, territoire-fiction, jusqu’au 15.02.26, Lavoir Numérique, Gentilly.