D’Arles à Montréal, d’une salle obscure à un musée, le mois d’octobre nous a offert des beaux moments d’art, où le numérique s’est tour à tour fait chair, mémoire ou révolte. Fisheye Immersive revient sur trois expériences qui hantent autant qu’elles illuminent.
Changement d’heure et de température : a priori, le mois d’octobre n’a rien de réjouissant. Et pourtant, il nous a quand même apporté son lot d’oeuvres numériques, même si ces dernières, peut-être dans un soucis de coller avec l’actualité d’Halloween, ont provoqué chez nous à la fois un sentiment de fascination et d’anxiété. Entre critique de la surveillance, évocation de la situation palestinienne ou rapt d’enfants ukrainiens, les trois œuvres du mois nous prouvent une chose : le 31 octobre, nulle besoin de mettre un masque. Les vrais monstres, c’est nous.

Demons To Diamonds – Valentin Noujaïm
Tourné à la Défense, entre les grattes-ciels et son emblématique arche de béton, le court-métrage du réalisateur franco-égyptien-libanais Valentin Noujaïm, vu lors du Festival International du Film Indépendant de Bordeaux, met l’accent sur une présence aussi discrète qu’oppressante : celle de la surveillance urbaine. Dans l’oeil des caméras, on assiste ainsi à une vague de suicides dans le quartier des affaires, théâtre de la série dont est tirée l’oeuvre vidéo. Le dispositif devient alors le témoin d’une société qui va mal, entre agonie et paranoïa. La destruction est-elle la seule chance de s’en sortir ?

Like An Event in A Dream Dreamt – Firas Shehadeh
Découvert lors d’Octobre Numérique, le projet de Firas Shehadeh trouble la frontière entre réel et jeu vidéo. À la manière de GTA, Firas Shehadeh imagine un film à l’esthétique inspirée des RPGs (role-playing game) pour alerter sur l’intérêt porté au « tiers-monde » ; une région qui, pour les développeurs, devient un terrain de jeu, un prétexte. Sauf que sur place, la réalité, elle, n’a rien d’un jeu. Like An Event in A Dezam Deamt explore ainsi la manière dont les joueurs et les hackers palestiniens ont intégrés des modes à GTA, tout en permettant à leurs serveurs de simuler la vie réelle sous le joug colonial.

You Shouldn’t Have To See This – Yarema Malashchuk & Roman Khimei
Dévoilé lors de la dernière édition d’Offscreen, le projet de Yarema Malashchuk et Roman Khimei documente un crime de guerre encore perpétué par la Russie : le vol d’enfants. Des enfants ukrainiens emmenés de force en territoire russe alors qu’ils sont endormis, puis renvoyés en Ukraine après avoir subi on ne sait quoi, vu on ne sait qui… Depuis le début de la guerre russo-ukrainienne, on estime ses enlèvements entre 20 000 et un million. En pénétrant la sphère intime de ces enfants, les deux artistes interrogent également la production d’images de guerre. A-t-on besoin de violer des espaces personnels pour documenter ? Ou se place la dignité, même en territoire meurtri ?