C’est l’événement qu’attendent tous les amateurs d’art contemporain d’Amérique du Nord et d’au-delà. Du 10 septembre au 1er novembre, la Biennale MOMENTA revient à Montréal pour une 19ème édition. Avec, pour fil rouge, l’éloge de l’image absente.
À l’ère de la saturation des images, à l’heure où chaque pixel prétend tout dire, la Biennale MOMENTA fait le choix surprenant de l’ellipse pour sa future édition. Baptisée « In Praise of the Missing Image », la manifestation promet de porter aux nues ce que l’on ne voit pas, ces images perdues, censurées, invisibles. Voire même, celles qui ne sont jamais produites.
À travers une programmation éclectique portée par une sélection d’artistes venus de quatorze pays différents et pilotée par la commissaire d’exposition indépendante Marie-Ann Yemsi, l’événement entend bien donner corps à tout ce qui manque à la création d’un récit visuel. De ce qui a été effacé des récits dominants à ce qui a été lâchement oublié par l’histoire ou gommé des archives. Du Centre PHI au Musée d’art contemporain en passant par la Galerie de l’UQAM, le visiteur déambulera ainsi à travers des lieux emblématiques de la cité québécoise afin de découvrir ces propositions plastiques, souvent hybrides, où vidéo, installation, création numérique et performances dialoguent avec l’absence. Mais jamais, Ô grand jamais, avec le vide.
Une archéologie de l’invisible
Parmi la large sélection d’artistes, cinq d’entre eux se distinguent déjà par la force sensible de leur approche. À commencer par Joséfa Ntjam, dont l’univers plastique oscillant entre science-fiction et art décolonial ne cesse d’émerveiller d’exposition en exposition. En mêlant mythologie afro-futuriste, spéculations scientifiques et archives coloniales, la Française fait émerger de nouvelles formes de récits décentrés, où l’image absente devient un geste fort de réappropriation. Iván Argote, de son côté, est un habitué des scènes critiques et détourne quant à lui les formes monumentales du pouvoir à travers des œuvres qui questionnent les récits historiques figés, réécrivent les symboles autoritaires et transforment les manques en gestes poétiques et politiques.
La beauté de l’absence
Chez Sanaz Sohrabi, c’est une archéologie documentaire qui se dessine. En s’appuyant sur des archives pétrolières et des images industrielles, l’artiste iranienne décode les dynamiques de pouvoir révélées par le visuel. Ou par ses trous de mémoire. Un lien entre souvenirs personnels et récit collectif également exploré par Joyce Joumaa qui interroge, à travers ses films expérimentaux et ses installations intimistes, les narrations des diasporas, entre silences hérités et points de rupture dans l’histoire familiale.
Enfin, Gabrielle Goliath, figure incontournable de la scène sud-africaine, propose quant à elle des œuvres sonores et performatives en hommage aux victimes de violences systémiques. Plutôt que de représenter la douleur, elle en fait une expérience sensorielle partagée, où l’absence d’image devient un acte de soin. Ce ne sont là que cinq des nombreux artistes présents lors de la Biennale MOMENTA, mais ceux-ci constituent déjà un échantillon parlant, symbolisent la richesse d’une programmation où l’absence révèle tous les secrets du monde. Même les plus enfouis.
- Biennale MOMENTA, du 10.09 au 01.11, Montréal.