Pour sa 9e édition, le Festival international Constellations offre aux visiteurs une plongée dans le riche patrimoine architectural de Metz, sublimé par des installations numériques à la fois immersives, éclectiques et fascinantes. Leur point commun ? Être obsédées par le futur.
De la cathédrale Saint-Étienne au cloître des Trinitaires, en passant par l’Hôtel de Région et la basilique Saint-Vincent, la 9ᵉ édition du Festival international Constellations – qui s’étire jusqu’au 30 août 2025 – invite à porter un regard neuf sur la ville de Metz, à travers la créativité d’artistes fascinés par les outils numériques (sans toutefois s’y limiter !). Deux parcours thématiques rythment cette programmation ; l’un diurne, l’autre nocturne. Le premier, Art Urbain, conçu par la commissaire Myriama Idir, questionne les illusions du trompe-l’esprit. Le second, Pierres Numériques, imaginé par Jérémie Bellot, figure majeure du videomapping 3D, explore les métamorphoses artificielles, avec l’évident souci de faire dialoguer architecture et lumière.
Après avoir illuminé des monuments emblématiques comme la Tour Eiffel, l’Arc de Triomphe, Notre-Dame de Paris pour sa réouverture, mais aussi le Corcovado ou encore Petra, l’architecte numérique s’attaque cette fois à la cité épiscopale et impériale, accompagné d’une trentaine d’artistes, dont la moitié venus du monde entier. « L’idée était de se renouveler en acceptant l’IA comme outil dans le processus créatif des artistes, pour travailler sur la question de la métamorphose artificielle à travers l’image, la lumière, jusqu’au photon », explique Jérémie Bellot. Inspiré par la géométrie polyédrique et les mathématiques, il propose ici une perception inédite de l’espace, tout en interrogeant notre lien au patrimoine et à la nature.
Remodeler la ville
Ce voyage, de l’infiniment petit à l’infiniment grand, débute de manière spectaculaire sur la façade de la cathédrale Saint-Étienne, avec le film de science-fiction Terraforma. Partant du photon pour nous plonger au cœur du cosmos, ce mapping, adapté de l’univers de la chaîne Youtube Nexus VI, a été conçu par le studio indépendant Fensch Toast sur une musique originale d’Axel Tancray, tous messins. Inspirés par Les Planètes de Gustav Holst, les créateurs embarquent le public à travers le système solaire, de la naissance des astres et à diverses visions futuristes, pour interroger avec beaucoup de finesse la place de chacun au sein de l’univers. Et, peut-être aussi, fantasmer autour des avenirs possibles.
Tracé par un faisceau lumineux reliant les sites entre eux, le parcours propose d’autres vidéo-projections, comme Mixed Realities, dans laquelle le danseur contemporain et artiste nouveaux médias italien Francesco Misceo se met en scène, plaçant le corps humain au cœur des enjeux technologiques. Pensons également à Bolhas, d’un collectif brésilien. Cette installation en plein air se présente sous la forme de bulles sculpturales qui se métamorphosent, passant de billes roulant sur place à des yeux intrigants, puis à des œufs psychédéliques. L’œuvre pousse le spectateur à réfléchir sur la légèreté, l’éphémère et le pouvoir de l’art à remodeler la ville : une préoccupation particulièrement récurrente au sein de la programmation.
Une histoire de métamorphoses
Pour la première fois, le Festival Constellations propose un concours de mapping vidéo 360°, établi dans le cloître des Trinitaires. Cinq artistes originaires de France, de Roumanie, d’Allemagne et d’Indonésie ont été sélectionnés pour revisiter ce site fondé en 1248 et lui insuffler une nouvelle vie. Charge au public de désigner le lauréat grâce à un système de vote via un QR code. Surréaliste, abstraite, futuriste, historique, organique… la sélection est résolument éclectique, bien que toutes les œuvres instaurent à leur manière un dialogue entre nature et technologie. Notre préférence va à Why Übermachines Cry on the Sofa? du Roumain Vali Chincișan, une pièce qui s’inscrit pleinement dans le thème général, retraçant l’évolution de l’intelligence artificielle à travers les métamorphoses (on y revient !) de Nietzsche.
Si l’événement met plus que jamais ses projecteurs sur les technologies innovantes, ce sont pourtant les œuvres « laser » qui fascinent et envoûtent le plus. D’une extrême précision, Ataraxie, présentée dans la basilique Saint-Vincent, témoigne de la modernité persistante et de la puissance expressive de ce médium. Le dispositif – une rangée de bras projetant des rayons laser – conçu par Collectif Coin, envahit l’espace et forme des structures architecturales hors normes, semblables à des tesseracts. Et posant ainsi la question : « Dans ce monde en expansion, où choisissons-nous de nous arrêter ? ». La réponse se trouve peut-être dans l’œuvre hypnotique et électrique Encaged de media.tribe, une installation audiovisuelle où les sources laser sont placées à l’intérieur d’une cage, non plus perçue comme un obstacle, mais comme une limite créative !
Créer, non plus malgré les contraintes mais en fonction d’elles, c’est d’ailleurs tout l’enjeu de cette 9e édition, à travers laquelle le Festival Constellations de Metz réaffirme son rôle de laboratoire artistique à ciel ouvert. Et réussit, par la même occasion, à bousculer notre perception du réel via des œuvres percutantes, parfois complexes, mais toujours empreintes d’une certaine fantaisie.
- Festival international Constellations de Metz, jusqu’au 30.08, Metz.