Réaliser un film sans filmer, ça paraît fou, non ? À contre-courant de la production numérique actuelle, Fusion, de Richard Reeves, est un court métrage expérimental entièrement réalisé à la main, sans caméra, sans appareil photo, ni numérisation préalable.
Sur pellicule 35 mm, Fusion présenté en compétition officielle au Festival d’Annecy 2025 étudie l’interaction entre le son et l’image, et propose ainsi une véritable immersion sensorielle où les deux se cofondent dans une seule et même matière visuelle. Avec ce film, au procédé relativement audacieux, Richard Reeves poursuit une démarche entamée il y a plusieurs décennies : créer des films en animant directement la pellicule, image par image. Chaque éclat lumineux, chaque vibration sonore est le fruit d’un geste. L’image est peinte, grattée, altérée, quand le son, lui, est dessiné. Aucun support visuel n’a été capté, tout a été généré par la main, en prise directe avec la matière.
Quand la pellicule devient instrument
Relativement court – trois minutes dix-huit secondes de flux organique -, Fusion s’écoute autant qu’il se regarde. Le film explore les relations structurelles entre rythme visuel et texture sonore, dans une dynamique où le visible semble réagir à l’invisible. Ce n’est plus un film à regarder, mais une partition à percevoir.
En refusant les outils traditionnels du cinéma, Richard Reeves, qui se présente volontiers comme un artiste d’avant-garde, opère en réalité un retour à l’essence même du médium : un art du temps, du geste, du support. À une époque saturée d’images ultra-propres et d’animations lisses et millimétrées, son film détonne en ne cherchant pas à représenter, mais bien à résonner. Alors, sous la houlette de l’artiste, la pellicule n’est plus un support : elle devient le sujet, le lieu même de l’expérience.