Entre néons vaporeux et silhouettes impossibles, Sharp Delusion convoque l’étrange beauté d’un monde où passé et futur fusionnent pour sculpter le rêve. Avec, pour matière première, l’intelligence artificielle.
Ancien DJ formé dans un premier temps à la photographie, le créateur franco-espagnol Sharp Delusion s’est emparé de l’IA il y a maintenant deux ans, comme on entre dans une forêt de symboles. Mi-hommes, mi-machines, ses visages générés semblent flotter dans des brumes colorées, un pied dans le passé, l’autre dans l’avenir. Autant de figures longilignes, parées de tissus synthétiques, qui marchent dans des décors suspendus d’où elles performent des sortes de défilés de mode dystopiques. Empreint de références à Kubrick, Lynch ou Aronofsky, l’art de Sharp Delusion est un labyrinthe visuel où se croisent clins d’œil au 7e art, à la haute couture et au surréalisme.
Retour vers le futur
À l’aide d’outils génératifs – il avoue avoir un faible pour GenAI -, Sharp Delusion ne se contente pas de programmer : il provoque. Grâce aux prompts, l’artiste convoque des mondes où tout semble avoir été photographié dans un ailleurs qui n’existe pas. Un peu dans les années 1950, un peu dans les années 1980, un peu dans le siècle prochain. Un savant mélange de rétro et de dystopie dans lequel chaque image devient une énigme, un miroir sans reflet. À travers son œil, le rétrofuturisme se meut en un langage commun, un moyen d’explorer la mémoire collective et nos fantasmes technologiques. Interrogé par le magazine Prompt, il avoue : « Je suis attiré par la beauté de l’étrange, du surnaturel et par l’attrait esthétique de l’industrie de la mode. »
À la recherche de l’hyperréalisme
Mais attention : la mode, bien qu’omniprésente, n’est pas juste un ornement. Elle agit comme un code visuel, un alphabet esthétique. Chaque silhouette est un totem, chaque texture renvoie au souvenir d’un monde possible. Le vêtement structure l’image, mais raconte aussi l’époque : celle d’aujourd’hui, égarée dans les promesses d’hier. Les compositions de Sharp Delusion questionnent alors notre présent numérique, flottant entre hyperréalisme généré et abstraction sensible. C’est d’ailleurs cette capacité à insuffler de l’âme dans la donnée qui permet à Sharp Delusion de se distinguer parmi la foule d’artistes génératifs qui ne cesse de s’accroître. Lui ne crée pas simplement des images : il compose des atmosphères, ouvre des portes sur des états de conscience modifiés. Et dans ce monde aux contours incertains, il nous tend un miroir. Déformé peut-être, mais profondément humain.