Avancée par Laurent Darmon, docteur en sciences de l’information et de la communication, la thèse du dataïsme propose de voir le monde comme un grand ensemble de données. À juste titre ?
Et si, plutôt que des êtres humains dotés d’un libre arbitre, nous n’étions que des algorithmes ? Interrogé par L’ADN, c’est peu ou prou ce qu’avance Laurent Darmon au moment de présenter sa vision du monde digital. Pour l’auteur du livre Bienvenue dans le dataïsme, c’est bien simple : l’homme moderne est semblable à un « algorithme biochimique de traitement de l’information qui l’entoure ». De fait, il est lui-même soumis à un univers au coeur duquel les données deviennent la référence ultime. Tout, des décisions personnelles aux orientations sociales, serait dicté par des flux de données analysés par des algorithmes. Une forme de nouvelle « techno-religion », qui fait de la machine le grand garant de la vérité. Et de l’homme, un esclave de la donnée.
La question du libre arbitre
« Nous acceptons de plus en plus qu’un algorithme décide ce qui est bon pour nous, rappelle Laurent Darmon, toujours à L’ADN. Il y a une forme d’abandon du libre arbitre, une foi dans la logique algorithmique. » Tinder forme les couples, Jow choisi les repas, Netflix sélectionne notre série du moment, Spotify détermine la musique qu’on va aimer, Doctolib se charge de nos soins… Bref, à l’ère du numérique, reste-t-il encore de la place pour le choix ? « Les algorithmes ont tendance à nous conforter dans nos opinions, souligne-t-il. Ne faudrait-il pas nous pousser des opinions divergentes pour montrer qu’elles existent ou a minima nous laisser la main pour la paramétrer ? » Car, si se laisser porter par toute une flopée d’algorithmes est confortable, les dérives possibles restent nombreuses ; perte de vie privée, manipulation, bulles cognitives… Le tout dans un circuit complètement opaque.
C’est pourquoi, Laurent Darmon, au même titre que de nombreux néo-penseurs, prône plus de transparence, notamment en offrant la possibilité aux individus eux-mêmes de sélectionner les algorithmes qui les entourent. Et ce, même si l’on a la sensation que c’est déjà le cas. « Quand vous choisissez X, vous savez que ses algorithmes sont plus permissifs que ceux de Google. Mais ce n’est pas transparent et ces algorithmes peuvent évoluer à travers le temps – on a vu l’exemple de Facebook, et son changement de modération après l’élection de Trump. L’algorithme est programmé malgré nous, or, il serait intéressant de comprendre les paramètres pris en compte et de pouvoir jouer dessus. » Et de récupérer, ainsi, un semblant de libre arbitre.