Présentée à l’occasion du Semibreve Festival, à Braga, l’installation de Jésus Baptista réussit le tour de force de faire se rencontrer l’eau, l’acier, la lumière et le son. Pour mieux matérialiser l’inconnu ?
Rendre l’invisible perceptible : tel est le pari que semble s’être lancé lauréat du prix Semibreve Edigma, Jésus Baptista. Présentée la semaine dernière lors du festival éponyme, 8.33, Perception de l’invisible invite le spectateur à repenser le rapport entre ce que l’on voit et ce qui demeure hors de notre portée visuelle.
À l’origine de cette œuvre, un monolithe fendu par un éclair, symbole d’une fracture entre le tangible et l’immatériel, entouré de huit caisses remplies d’eau et de totems lumineux. Le dispositif est épaulé par la bande-son d’Amadeo Savio, dans l’idée de créer un ensemble d’art total électrisant. « L’idée était de lier chaque son à une particule cosmique, lui conférant une fréquence, une trace lumineuse et une vibration, » détaille l’artiste pour Clot.


À la recherche de l’inconnu
À 4,33 minutes, en hommage au musicien John Cage, issu du mouvement Fluxus, un éclair vient ponctuer la composition, rassemblant ainsi tous les éléments dans un même mouvement, une même trame, où le visible émerge du non-dit. « Lors d’un orage, le ciel s’illuminant est venu me frapper d’une décharge électrique, que j’ai ressentie à travers mon corps, me sortant ainsi du cosmos et me reconnectant avec la Terre », raconte Jésus Baptista lorsqu’il évoque la génèse de son projet, sur le site du Fresnoy cette fois, où il a été élève jusqu’en 2024.
On se souvient alors être frappé pour la seconde fois – la première étant lors de Panorama 26 – par ce dialogue des contraires, par ce dispositif où l’eau devient révélatrice : non plus simple reflet, mais médiatrice entre ce qui oscille au bord du perceptible. Jésus Baptista explique que, pour lui, l’eau « symbolise l’élément qui révèle l’invisible, notre lien avec lui, par les reflets qu’il crée ». En tension entre la brutalité du béton et la fluidité de l’onde, dans un style qui n’est pas sans rappeler celui de Martin Messier, 8.33, Perception de l’invisible explore cette « dualité qui trouve sa résonance » dans le son, la lumière et la matière. Une méditation humble et puissante qui confirme que l’invisible, même silencieux, laisse toujours une trace.