Avec Aaron In Lo, Laura Colmaneres Guerra s’appuie sur une boucle hypnotique et déploie un paysage organique où le corps devient territoire, où la nature façonne une nouvelle version de l’Homme.
Entre chair et sol, Laura Colmenares Guerra imagine une œuvre inspirée par la trilogie Xenogenesis de l’auteure américaine Octavia E. Butler. Son nom ? « Aaron in Lo ». Son intention ? Explorer un futur réparé. Pas par l’humain, non. Mais par une drôle d’entité, étrangère et inconnue : les Oankali, créatures fictives mises en scène à l’origine par Octavia E. Butler afin qu’elles prennent soin d’une planète ravagée par les conflits et les dérèglements climatiques.
Visuellement traduites par l’artiste colombienne, spécialisée dans les environnements 3D et aujourd’hui installée à Bruxelles, ces créatures côtoient ici Lo, une matière vivante et intelligente, recouvrant la surface d’un monde blessé. Qu’elle enveloppe, transforme, absorbe, tel un onguent, un pansement.
Une terre qui respire, un corps qui s’efface
Aaron, issu d’une hybridation entre humains et Oankali, y subit une lente métamorphose. Son corps s’ouvre, se recompose, s’adapte. Des textures nouvelles s’emparent de sa peau, des organes inconnus se déploient dans son corps, tandis que Lo, douce et invasive, guide cette transition. Plus qu’une mutation, c’est une fusion entre sol et chair, entre mémoire et avenir. Ni apocalyptique ni technophile, Aaron in Lo propose un récit spéculatif profondément sensoriel, où la technologie s’inscrit dans le vivant, sans le dominer. En mettant son œuvre en vente sous forme de NFT, Laura Colmaneres Guerra a d’ailleurs pour objectif de reverser une partie des bénéfices à l’ONG One.Earth, engagée dans la protection de la biodiversité.
Un geste tout sauf anodin lorsque l’on parle d’une œuvre dessinant une écologie de la transformation : ici, ce n’est plus l’humain qui modèle le monde, mais le monde qui façonne une nouvelle version de l’homme. Si bien qu’une nouvelle question émerge, favorisée par les mouvements hypnotiques des tentacules : le futur peut-il se penser dans l’abandon, hors de la résistance ?