Des paysages côtiers en mutation, des récits ancestraux qui remontent à la surface, et une mer qui ne cesse de révéler ses secrets. Avec ulitsuak | marée montante | rising tide, Glenn Gear capte une énergie à la fois vibrante et insaisissable : celle des liens qui unissent les peuples autochtones aux océans.
Originaire de Nunatsiavut, un territoire autonome géré par les Inuits de Terre-Neuve-et-Labrador au Canada, Glenn Gear ne s’en rend peut-être pas compte, mais son nom vient d’entrer dans l’histoire. C’est en effet la première fois au Québec, qu’un artiste autochtone anime la façade du pavillon Michal et Renata Hornstein du Musée des Beaux-Arts de Montréal (MBAM). Pour l’occasion, l’artiste multidisciplinaire et cinéaste, qui se définit lui-même comme « autochtoqueer », a pensé ulitsuak | marée montante | rising tide, une expérience qui, jusqu’au 30 mars, entraîne les spectateurs dans un univers à la frontière de la réalité et du mythe.
Dans cette œuvre kaléidoscopique, la mer devient actrice, tantôt réceptacle des mémoires, tantôt témoin des changements climatiques. Les paysages marins s’animent, tandis que des figures animales et humaines se superposent dans un ballet visuel en perpétuelle évolution.
Le goût de la double lecture
L’intelligence d’une œuvre telle que ulitsuak | marée montante | rising tide est toutefois de déployer un propos plus vaste, qui ne se contente pas de représenter un monde en transformation. Avec ses couleurs et ses mouvements, elle nous y fait plonger, littéralement, accompagné d’une bande-son où les chants inuits se mêlent aux bruits de vagues, brouillant les frontières entre le visible et l’invisible. Ici, la marée montante est plus qu’un phénomène naturel : elle symbolise les récits en perpétuel mouvement des peuples autochtones, leur résilience face aux bouleversements de leur environnement, tandis que l’eau, omniprésente, devient la passerelle entre le passé et le présent, entre l’humain et l’animal, entre la mémoire et l’oubli.
Glenn Gear nous invite à ressentir ce flot, à nous immerger dans ces histoires portées par les vagues – une expérience à la fois intime et universelle. En plus d’être bercé par les flots, le spectateur nage également en plein dans l’histoire du peuple inuit, dont les motifs traditionnels du tatouage sont ici revisités pour s’adapter à une pratique contemporaine.
Ode à la nature
Si l’on se perd dans la poésie de l’eau, l’artiste n’en oublie pas de sensibiliser, en douceur, celui qui regarde son œuvre. A première vue complètement abstraite et purement esthétique, ulitsuak | marée montante | rising tide permet en réalité de s’interroger sur le climat actuel : de la montée du niveau de la mer à la fonte des calottes glaciaires, en passant par la perturbation des écosystèmes, la projection est une réflexion sur la dégradation de notre environnement et sur notre – mauvaise – influence sur le vivant. En d’autres termes, Glenn Gear réussit ici la mise en scène d’une nature sublimée qu’il ne tient qu’à nous de retrouver.