Dans un étrange ballet entre code, références pop et esprit communautaire, Monolith est une œuvre mouvante, née d’une IA collective, qui déconstruit l’idée même de l’auteur en confiant le geste créatif aux aux mains du hasard… et de tout un chacun.
Ni sculpture, ni tableau, Monolith est une œuvre IA en perpétuelle métamorphose. À chaque instant, quelqu’un, quelque part, change un mot sur un prompt accessible à tous, et tout recommence. Imaginé par l’artiste français Teto, le projet repose sur un principe simple et vertigineux : une phrase, un prompt, que l’on peut éditer à l’infini.
Là où l’IA est souvent utilisée comme outil personnel, ici, elle devient le théâtre d’un rituel communautaire. « L’idée m’est venue parce que je suis un gros utilisateur des intelligences artificielles, explique Teto dans le podcast NFT Morning, Mais je trouve que c’est une aventure hyper solitaire. Tu es toujours seul face à ton prompt et face à la machine. Je trouvais ça un peu dommage. Alors, je me suis dis, comment pourrait-on faire un truc multijoueur ? C’est vraiment ça, l’idée de base. »
Créer à plusieurs mains
Chaque mot du prompt est un levier. Le premier à en inscrire un devient son propriétaire temporaire. Mais tout peut basculer à tout moment : un nouveau mot, une nouvelle image. À chaque itération, une version ERC-1155 est frappée et partagée. À condition d’en payer le prix. Ici, l’œuvre est aussi visuelle qu’économique : remplacer un mot coûte de plus en plus cher, et le précédent propriétaire reçoit une compensation. Une mécanique de « buyback » qui injecte une tension spéculative dans la chaîne de création et qui donne naissance à une forme de cadavre exquis digital.
Inévitablement, cela part dans tous les sens. Au fil des heures, les prompts ont évoqué des sorciers fluorescents, des cochons en armure, des temples en fractales, etc. Un pur délire génératif ? Sans doute. Mais aussi un formidable palimpseste collectif. « Évidemment, ça amène plein de questions. C’est quoi la valeur d’une image ? Est-ce que les auteurs changent la valeur de l’image ? La valeur des mots ? C’était aussi un peu le but pour moi », confesse l’intéressé au micro de NFT Morning. Car derrière le jeu, il y a une pensée. En interrogeant la valeur d’un mot, voire même la propriété d’un fragment, Teto brouille la frontière entre le geste créatif et le simple clic. Qui est l’artiste ? Celui qui a écrit le mot initial ? Celui qui l’a remplacé ? Celui qui achète l’image finale ? L’auteur, ici, c’est tout le monde et personne à la fois ; Monolith, un espace d’intention partagée, pas une signature.