Si beaucoup envisagent le terme « artistes » comme un synonyme de liberté, il n’en est rien. Soumis à une législation très stricte, les créateurs voient aujourd’hui leur statut changer grâce à une récente modification de la TVA applicable à la vente d’œuvres d’art couplée à une décision de la Cour de justice de l’Union européenne du 1er août 2025. Explications.
En février dernier, le couperet tombe. Une loi de finances publiée dans le Journal officiel contient un article qui, à lui seul, promet de transformer toute une profession déjà à l’agonie. Abaissant le seuil de franchise de la TVA à 25 000 euros de chiffre d’affaires annuel des micro-entrepreneurs, et à 50 000 euros pour les artistes-auteurs (contre 85 000 auparavant), cette loi oblige les artistes à intégrer une taxe aux prix de leurs travaux. Loin d’être anecdotique, celle-ci augmente considérablement le prix de leurs œuvres (entre 5 et 20%) et diminue drastiquement leurs chances de trouver acheteurs.
Pour le syndicat Ateliers d’art de France, « cette modification soudaine risque d’affecter environ deux tiers des ateliers d’art unipersonnels, déjà fragilisés par un contexte économique tendu et par des politiques publiques insuffisamment adaptées aux réalités du secteur ». Aussi, elle induit forcément « des répercussions significatives sur leur chiffre d’affaires et, par conséquent, sur des revenus déjà très faibles, alors que ces professionnels se battent quotidiennement pour faire accepter des tarifs justes face à une concurrence internationale à bas coût et à des produits standardisés. » Un coup dur, donc, pour un secteur qui, d’après une étude datant de 2024 réalisée par l’Institut pour les savoir-faire français et citée par Télérama, générerait 68 milliards d’euros de chiffre d’affaires. « Soit deux fois plus que l’industrie pharmaceutique », précise Xavier de Jarcy, journaliste chez Télérama.

Une porte de sortie ?
Heureusement, le 1er août 2025, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu une importante décision concernant la manière dont les artistes peuvent vendre leurs œuvres – dont la TVA s’applique à ces ventes. L’affaire concernait le régime fiscal particulier applicable aux objets d’art : appelé « régime de la marge bénéficiaire », celui-ci permet, dans certains cas, d’appliquer un taux réduit ou une méthode de calcul avantageuse. Traditionnellement, les services fiscaux estimaient qu’un artiste pouvait bénéficer de ce régime avantageux à condition de vendre ses œuvres en direct, sans recourir à une société commerciale. Autrement dit, si l’artiste créait une société pour gérer ses ventes, il risquait de perdre tout le bénéfice du régime fiscal réservé aux artistes.

Plusieurs artistes et galeries ont contesté cette interprétation, persuadés que cette restriction portait atteinte à la liberté d’entreprendre et au principe de neutralité fiscale. À raison : la CJUE a tranché en faveur de ces derniers. Selon la Cour, « l’application du régime particulier de TVA pour les objets d’art ne peut être subordonnée à la condition que la vente soit effectuée directement par l’artiste. Le choix d’un cadre sociétaire ne saurait, à lui seul, faire obstacle au bénéfice de ce régime, dès lors que l’œuvre a bien été réalisée par l’artiste et intégrée dans le patrimoine de la société avant sa vente. »
En résumé, l’arrêt reconnaît officiellement le droit à la création de société par un artiste, sans que cela ne modifie son régime fiscal favorable. Deux conditions s’imposent cependant : l’œuvre doit avoir été créée par l’artiste lui-même (soulevant implicitement des questionnements quant à des œuvres réalisées en collaboration avec l’IA), et la société doit légalement détenir cette œuvre avant toute vente. Une décision qui met (enfin) un terme à une ambiguïté tenace et qui offre aux artistes davantage de liberté, aussi bien sur le plan juridique qu’économique. Forcément, on ne peut qu’approuver.