Être artiste, c’est permettre la rencontre avec une œuvre, une pensée, un thème, une esthétique. Pour ce faire, il faut d’abord, du côté de l’artiste en question, s’être fait reconnaître. C’est l’objectif de « Premier contact », série de mini-portraits pensés comme des speed-meeting, des premiers points d’accroche avec de jeunes artistes et leurs univers si singuliers. Ce mois-ci, Fisheye Immersive s’intéresse à David Alabo, surréaliste 2.0 et porte drapeau de l’afrofuturisme.
Un élément biographique
Artiste multidisciplinaire ghanéen-marocain, David Alabo vit et travaille à Accra, au Ghana, où il crée des projets multiples qu’il qualifie lui-même d’« afro-surréaliste ». Avec pour volonté de mettre en avant les corps africains et une forme d’identité noire, le plasticien imagine des œuvres abstraites en 3D, tout en s’adonnant à la photographie ou au collage. Une façon pour lui de (re)présenter au mieux, selon un regard à la fois tendre et critique, les sociétés africaines sur la scène internationale. Complètement autodidacte, David Alabo s’appuie également sur une culture artistique solide, guidée par une véritable passion pour les surréalistes européens (dont traite grandement notre newsletter éditoriale #39), dont il intègre les références au sein de ses propres travaux. Des influences multiples que l’artiste explique par son « éducation interculturelle ». Dans le cadre d’un portrait pour Artx, il détaille : « Toutes les influences que j’ai eu la chance d’absorber étant enfant se retrouvent dans mon travail. Qu’il s’agisse des paysages désertiques du Maroc, des couleurs vives et saturées du Ghana ou de la belle architecture de l’Italie, je me sens chanceux d’avoir vu le monde. L’art est ma façon de donner en retour. »
Après avoir collaboré avec de nombreuses entreprises telles que HBO, Meta ou encore Apple, ce spécialiste de l’afrofuturisme s’est depuis illustré dans la presse via des créations pour différents médias, tels que Wired Magazine, Allure et Daily Paper. Désormais artiste à part entière, David Alabo multiplie également les expositions, du MIT Solve à l’événement Art X Lagos, en passant par le musée Max Ernst, en Allemagne.
Une œuvre
Si ses œuvres se retrouvent figées sur les murs de différentes institutions physiques, cela n’a pas empêché David Alabo d’être, lui aussi, gagné par la fièvre des NFTs. En 2021, son projet Incendies a d’ailleurs été exposé puis vendu sur la plateforme KnownOrigin, une galerie virtuelle spécialisée dans la ventes aux enchères. C’est dans ce cadre que sa pièce a été acquise pour trois éthers (soit environ 4 980 euros) par un acheteur anonyme, devenant l’une des œuvres les plus chères de l’événement et intronisant au passage David Alabo sur la scène NFT. Un simple coup de com’ ? Plutôt un nouveau terrain de jeu pour celui qui a avoué espérer profiter de cette visibilité soudaine pour redorer un peu la réputation virtuelle du Ghana, entachée par les « Sakawa boys », ces cybercriminels spécialistes de la fraude sur Internet… À l’entendre, la blockchain pourrait même permettre à son pays de s’intéresser à une nouvelle génération de créateurs qui, sur le web, officient en toute légalité et, surtout, avec un vrai regard artistique.
Un évènement
Hériter africain de Salvador Dalí et de Max Ernst, c’est en toute logique que le musée du même nom que ce dernier, à Brühl, l’ait invité à participer fin 2023/début 2024 à l’exposition collective Surreal Futures, aux côtés d’une trentaine d’autres artistes multimédias – parmi lesquels se trouvaient Justine Emard ou Sabrina Ratté -, afin de dialoguer avec les oeuvres de la collection permanente de l’institution allemande. L’occasion rêvée pour le Ghanéen d’explorer la thématique des changements postcoloniaux au sein du chapitre « Future Worlds », qui mettait en scène les visions d’artistes afrofuturistes. Grâce à un ensemble de collages numériques réalisés à partir de modelisations 3D, David Alabo a ainsi imaginé à quoi pourraient ressembler des paysages dignes de films de science-fiction en se posant une question : à quoi ressemblerait notre monde s’il n’avait pas été drastiquement modifié par le colonialisme ? Ainsi, dans son oeuvre Finding Solace in the Relics of Future Past, la panthère noire, devenue un symbole des luttes africaines et afro-américaines (cf les Black Panthers !), est replacée dans un paysage fantastique jamais exploré par l’Homme. Avec, en sous-texte, l’idée de mettre en lumière la possibilité d’un auto-empouvoirement au sein des communautés noires.