L’avenir du dessin-animé réside-t-il dans le code ? Réponse avec Toonstar, start-up capable de mettre toute une génération d’auteurs et de dessinateurs à la retraite.
À première vue, StEvEn & Parker ressemble à n’importe quel dessin animé. Une esthétique enfantine, un humour décalé, des dialogues calibrés pour les zappeurs de YouTube Kids… Sauf que derrière cette série tout ce qu’il y a de plus anodine se cache en réalité un nouveau venu, annonciateur d’un bouleversement dans le monde de la création animée : Toonstar. Une start-up de Los Angeles, qui réinvente le cartoon et remplace les crayons par des algorithmes.
En coulisses, peu de dessinateurs, pas de studio d’enregistrement bondé : ici, les personnages prennent vie dans le code. Du script au doublage, de l’animation à la production, Toonstar délègue presque tout à des modèles génératifs et utilise l’IA tout au long du processus de création : de la définition des intrigues à la génération des images, en passant par le doublage des dialogues pour le public international. Les histoires sont rédigées, affinées, rejouées par l’outil technologique, qui produit en quelques heures à peine ce qui prenait autrefois des semaines de travail humain. « Grâce à cette technologie, nous pouvons produire des épisodes complets 80 % plus rapidement et 90 % moins cher que les normes du secteur », a déclaré John Attanasio, l’un des fondateurs de Toonstar, au New York Times.
L’optimisation oui, mais à quel prix ?
C’est un monde sans sommeil que Toonstar invente, où l’animation devient une ligne de production ininterrompue. Plus besoin d’attendre qu’un scénariste trouve l’inspiration ou qu’un acteur répète ses dialogues : l’IA écrit, parle, anime. Elle apprend ce qui plaît, elle reproduit ce qui fonctionne. Dans cet atelier numérique, le storytelling s’adapte aux tendances en temps réel, comme une publicité personnalisée déguisée en fiction.
Inévitablement, ce rythme effréné et cette efficacité quasi militaire créent aussi le malaise. Assistons-nous vraiment à la création d’un contenu révolutionnaire, ou sommes-nous en train de consommer un animé aussi vide que mécanique ? Autrement dit, derrière ce qui est annoncé comme un progrès immense, ne se cache-t-il pas une catastrophe créative pour les générations à venir ? Le média L’ADN dénonce par exemple une industrialisation à outrance de l’imaginaire, et parle de « studios désireux de produire du cartoon à moindre coût, sans âme et sans auteurs ». Difficile, hélas, d’aller contre cette idée…
Enfance programmée
Face à ces critiques, les fondateurs de Toonstar répondent comme le font traditionnellement les start-up : en sortant les gros les chiffres. Avec plus de 7,5 milliards de vues depuis sa création, des revenus annuels estimés à 3,1 millions de dollars (pour la fourchette haute), des taux de rétention supérieurs à la moyenne, la société jouit à l’évidence d’une viralité que les studios classiques peinent à égaler. Les enfants regardent, les parents ne s’en inquiètent pas. Le succès semble suffisant pour justifier la méthode.
Mais dans cette ère où les récits sont optimisés comme des stratégies de marketing, où la fiction devient un produit à itérer, que reste-t-il de la magie de l’animation ? Qu’ils soient magiques ou absurdes, les cartoons de notre enfance sont-ils voués à mourir ?