Rien de tel que de regarder le passé pour interroger l’avenir. Certains artistes numériques l’ont bien compris et puisent dans l’imaginaire médiéval afin d’explorer notre rapport au sacré, à la mémoire collective et à la technologie. Armures, vitraux, enluminures ou motifs alchimiques réapparaissent alors sous des formes hybrides, composant un gothique digital profondément ancré dans les angoisses de notre époque. La preuve par dix.

Mélanie Courtinat, 32 ans
Telle une Jeanne d’Arc des temps « virtuels », Mélanie Courtinat se met en scène, vêtue d’étonnantes armures d’acier. C’est d’ailleurs dans cette tenue que l’artiste française et designer d’interaction, installée entre Paris et Lausanne, a posé pour la couverture de T, le magazine du Temps, en février 2024. Fascinée dès l’enfance par l’univers de The Legend of Zelda : The Wind Waker, l’artiste explore depuis sans relâche les mondes du jeu vidéo, de la réalité virtuelle et augmentée, ainsi que de la 3D, dans des œuvres qui séduisent autant les institutions que des marques telles que LVMH, Dolce & Gabbana, Vitra ou encore Julia Heuer.

Corentin Darré, 29 ans
Diplômé de l’École nationale supérieure des arts de Paris-Cergy en 2020, Corentin Darré s’appuie sur les légendes et folklores issues de l’imaginaire collectif pour façonner ses propres contes qui explorent la manière dont les dimensions virtuelles et réelles s’entremêlent et interagissent. Au-delà de ces œuvres numériques, ses sculptures et décors poursuivent ses récits qui tournent autour de la solitude, mais aussi de la violence et de l’addiction que provoque l’amour.

Laurent Grasso, 52 ans
Ayant récemment investi des lieux mystiques et mythiques comme l’Abbaye de Jumièges ou le Collège des Bernardin, à Paris, Laurent Grasso se jouent des anachronismes pour créer des atmosphères mystérieuses qui redessinent les frontières de nos perceptions et de nos connaissances créant ainsi de nouvelles perspectives sur l’histoire et la réalité. Oscillant entre archaïsme et futurisme, ses œuvres protéiformes matérialisent l’invisible et interrogent les peurs individuelles et collectives, parfois vieilles de plusieurs siècles !

Geoffrey Lillemon, 44 ans
Artiste américain basé à Amsterdam, Geoffrey Lillemon puise son inspiration en partie dans la peinture de style renaissance ou baroque, pour créer son propre langage visuel ; lequel mêle traditions picturales et techniques numériques, avec parfois des références explicites à l’esthétique ou aux thèmes médiévaux. Ainsi, il s’amuse à détourner Le Fumeur de Josse van Craesbeeck, le rebaptisant L’Émetteur, ou à insuffler à des univers médiévaux des zombies ou des dragons, non sans évoquer ainsi l’univers de Game of Thrones. En plus trash, toutefois !

Teresa Fernández-Pello, 33 ans
Designer espagnole actuellement basée aux Pays-Bas, Teresa Fernández-Pello nourrit un intérêt particulier pour les technologies électroniques, qu’elle fusionne parfois à l’art vidéo pour créer ses installations spirituelles, inspirées des similitudes entre les épistémologies quantiques et les anciennes philosophies mystiques. Ces œuvres prennent ainsi des allures de retables électroniques : points d’entrée au monde de divinités multiples.

Alison Flora, 33 ans
S’étant fait remarquer en 2019 grâce à ses œuvres peintes sur papier à l’aide de son sang, Alison Flora imagine des portails salvateurs, en dessin, en peinture, en sculpture, en musique, en vidéo ou encore en VJ (vidéo-jockey). Imprégnée autant par les folklores régionaux, les sciences occultes, l’architecture médiévale, la littérature gothique, que le métal et le rock industriel, l’artiste française offre via son travail aussi onirique que cauchemardesque une échappatoire aux tourments de notre époque.

Mark Leckey, 61 ans
Le Moyen Âge est pour Mark Leckey un réservoir inépuisable d’idées symboliques : mysticisme, théologie négative ou costumes monastiques. Tout cela, le Britannique le réinterprète pour mieux interroger la mémoire collective et la puissance des images. Il est notamment allé chercher dans la Table d’Émeraude, un des textes les plus célèbres de la littérature alchimique et hermétique, une manière d’explorer l’invisible et la matérialité, soucieux de voir comment ces deux éléments pourraient se répondre dans nos environnements urbains contemporains : panneaux de bus, lampadaires ou autoroutes.

Mary-Audrey Ramirez, 35 ans
Animaux ou aliens ? Les créatures façonnées par Mary-Audrey Ramirez, artiste luxembourgeoise basée à Berlin, déroutent. Aussi mignonnes que répugnantes, elles sont nées d’une collaboration entre l’artiste et le logiciel de génération d’images Stable Diffusion. Pour certaines, elles sont inspirées de la série de jeux vidéo médiéval-fantastique Dark Souls. Jusqu’au-boutiste,Mary-Audrey Ramirez est allée jusqu’à leur donne vie à son tour dans des jeux vidéo comme Forced Amnesia ou grâce à des impressions 3D en sable durci.
Lou Le Forban, 28 ans
Diplômée des Beaux-arts de Paris et du Fresnoy, Lou Le Forban se nourrit de récits réels ou fictionnels, faisant principalement état d’un renversement, y cherchant le grotesque pour créer, en vidéos, en peintures ou en textiles, des atmosphères oscillant entre le comique et l’inquiétant. Presque inévitablement, ses œuvres sont généralement issues de l’époque médiévale. Avec, à chaque fois, cette faculté à s’inspirer autant des faits divers de l’épidémie de peste dansante de Strasbourg ou des aboyeuses de Josselin, des contes et des légendes régionales comme des iconographies marginalia, des peintures flamandes ou de l’art populaire.

Raphaël Moreira Gonçalves, 37 ans
Épées, armures et Basquiat ! Voilà trois mots que Raphaël Moreira Gonçalves conjugue, entre autres, dans son art foutraque. Artiste multidisciplinaire, s’illustrant aussi bien dans la sculpture en réalité augmentée que la vidéo et les expériences en réalité virtuelle, le Français met dans son travail l’accent sur la dimension mystique du virtuel, faisant parfois appelle aux codes de l’imagerie médiéval, mais aussi à ceux de la science-fiction kitsch. Un mélange détonnant !