Parce que chaque révolution technologique et artistique a des origines multiples, Fisheye Immersive remonte celles de la réalité virtuelle en cinq petites histoires capables d’éclairer la grande. Pour ce quatrième épisode, plongée dans les années 1980, une décennie de tous les possibles.
Au crépuscule des années 1970, une même dynamique se fait sentir : c’est toujours au sein de l’armée américaine que les avancées se veulent les plus notables. En 1978, l’ARPA finance ainsi le travail d’Andrew Lippman, qui en profite pour inventer l’ancêtre de Google Earth VR : l’Aspen Movie Map. En d’autres termes : la décennie suivante sera particulièrement faste et bien plus grand public.
Le cas Atari en atteste. On est alors en 1983, la société est au sommet de l’industrie du jeu vidéo, et vient de permettre la rencontre entre deux figures déterminantes de la réalité virtuelle lors de l’Atari Research Lab : Jaron Lanier et Thomas Zimmermann. Malheureusement, l’industrie vidéoludique est frappée la même année par un krach. L’éditeur perd énormément d’argent ; les deux compères, leur job. Il leur faut réagir, trouver de nouvelles idées. Dès 1984, Lanier et Zimmermann fondent ainsi VPL Research, qui marque l’entrée dans des sphères plus mainstream de la réalité virtuelle en commercialisant tour à tour un gant (le Dataglove), puis un casque, l’EyePhone. Quant au DataSuit, cette combinaison bardée de capteurs, l’invention restera à l’état de prototype.
Frénésie créative
Pour tout dire, ces innovations ne débarquent pas de nulle part. Deux années plus tôt, alors qu’il était encore chez Atari, Thomas Zimmermann avait déjà déposé le brevet du DataGlove : un gant permettant de manipuler des objets virtuels, mais aussi, grâce à des fibres optiques glissées dans ses mailles, de traduire le degré de flexion et l’orientation des doigts en signaux électriques – une technologie conçue par Young Harvill. En prime, l’objet recèle la bagatelle de 6 500 microcontrôleurs traitant ces informations via un ordinateur qui se charge ensuite de les dupliquer. Serrez vos doigts, l’objet est capturé.
De son côté, l’Eyephone est le bébé de Jaron Lanier ; il consiste en un casque de réalité virtuelle, accompagné d’un DataGlove. Problème : l’outil est limité par les avancées technologiques de l’époque, et ne peut générer que cinq à six images par seconde, ce qui est nettement plus lent que les trente images par seconde de la télévision d’alors. Autre frein à la vente : son prix, fixé à 9 000 dollars. Ajoutez à cela le coût des ordinateurs nécessaires au bon fonctionnement de l’appareil, et vous comprendrez pourquoi il a fallu attendre encore plus de deux décennies pour traduire les plaisirs et les possibilités de la réalité virtuelle.