Une brève histoire des relations entre l’art et les jeux vidéo (5/6) : 2012 : Le jour où le MoMA a intégré des œuvres vidéoludiques dans ses collections

18 septembre 2024   •  
Écrit par Zoé Terouinard
Une brève histoire des relations entre l'art et les jeux vidéo (5/6) : 2012 : Le jour où le MoMA a intégré des œuvres vidéoludiques dans ses collections
“Minecraft”, 2011 ©Markus “Notch” Persson

Dans cette nouvelle série, Fisheye Immersive tente de faire taire les mauvaises langues : non, l’art et les jeux vidéos ne sont pas si éloignés. Bien au contraire ! Pour ce cinquième épisode, retour en 2012, année où le MoMA, à New York, fait l’acquisition de quatorze jeux vidéo. En tête, l’idée de faire entrer le 10ème art au musée sous un angle inédit : celui du design.

C’est une position forte, affirmée, définitive, qui clôt définitivement le bec aux détracteurs. En novembre 2012, le MoMA (Museum of Modern Art) annonce l’acquisition de quatorze jeux vidéo que l’institution new-yorkaise compte bien présenter en grande pompe lors d’une exposition à la galerie Philip Johnson l’année suivante. Parmi eux, on trouve notamment Pac-Man (1980), Tetris (1984), les Sims (2000) ou encore Portal (2007). Tous ont marqué plusieurs générations de gamers, tous sont depuis bien longtemps inscrits au panthéon de la pop culture. Pourtant, c’est un autre aspect de ces œuvres qui intéresse tout particulièrement les équipes du MoMA, qui expliquent alors dans un communiqué de presse que « les critères principaux pour l’achat de ces jeux » ont été « l’esthétisme et le design, la bande-son, le game-play et le scénario ».

SimCity 2000, 1993 ©Will Wright

Le jeu-vidéo comme objet de design

Exception faite du terme « game-play », tous ces qualificatifs sont habituellement appliqués à des œuvres d’art dites traditionnelles. Le geste du MoMA, institution muséale ô combien prestigieuse, est donc fort, et pose une question : le jeu vidéo pourrait-il s’apprécier via un prisme esthétique ? Pour Paola Antonelli, conservatrice principale du département de l’Architecture et du Design du musée new-yorkais, le cas du jeu est un peu plus complexe que cela. « Le jeu vidéo est incontestablement un art. Mais c’est aussi du design, et c’est d’ailleurs par cette entrée que nous intégrons le jeu vidéo dans notre collection. »

Du design, voilà un postulat intéressant. Car si Paola Antonelli évoque « l’élégance du code », la spécialiste intègre également des notions sociologiques qui justifient l’acquisition de ces jeux – lesquelles, à l’entendre, permettraient d’évaluer « les types de comportement du joueur ». À l’instar d’un style de mobilier, qui témoigne illico des tendances d’une époque, le jeu vidéo joue donc lui aussi le rôle de mémoire. C’est un marqueur d’une époque, d’une histoire, et a donc toute sa place au musée. 

©MoMA

Dans son livre Extra Lives: Why Video Games Matter (« Secondes Vies: pourquoi les jeux vidéo sont importants »), Tom Bissell, lui, se concentre majoritairement sur la narration dans les jeux vidéo. Comme l’explique à Slate, Kate Carmody, assistante conservatrice au MoMA, dans un jeu, aussi beau soit-il, « il y a toujours le rôle, et la manière dont le rôle engendre le comportement ». Sur sa lancée, il ajoute que la narration d’un jeu ne fait que « participer à un plus grand dessein » : celui de guider le comportement du joueur. Ainsi, pour justifier de l’intention des game-designers, le musée américain a rapidement décidé d’acquérir les annotations sur le code comme on cherche à obtenir les croquis préparatoires d’un artiste avant son chef-d’œuvre. Pour Paola Antonelli, c’est même une évidence : « Le langage du programmeur prend la place du bois ou du plastique », tandis que le design d’un jeu vidéo peut facilement se comparer à celui « d’un tabouret ». Un nouveau débat serait-il né ?

À lire aussi
Une brève histoire des relations entre l'art et les jeux vidéo (2/6): 1997, Premier machinima de l’artiste Miltos Manetas
“Super Mario Sleeping” ©Miltos Manetas
Une brève histoire des relations entre l’art et les jeux vidéo (2/6): 1997, Premier machinima de l’artiste Miltos Manetas
Dans cette nouvelle série, Fisheye Immersive tente de faire taire les mauvaises langues : non, l’art et les jeux vidéos ne sont pas si…
29 août 2024   •  
Écrit par Zoé Terouinard
Une brève histoire des relations entre l'art et les jeux vidéo (3/6) : 1999, année de la première expo vidéoludique
« Sod », 1999 ©JoDi
Une brève histoire des relations entre l’art et les jeux vidéo (3/6) : 1999, année de la première expo vidéoludique
Dans cette nouvelle série, Fisheye Immersive tente de faire taire les mauvaises langues : non, l’art et les jeux vidéos ne sont pas si…
04 septembre 2024   •  
Écrit par Zoé Terouinard
Une brève histoire des relations entre l'art et les jeux vidéo (4/6) : 2001, effervescence vidéoludique à la Biennale de Lyon
“Knowmad”, 1999 ©Mel Chin/MIT List Visual Art Center
Une brève histoire des relations entre l’art et les jeux vidéo (4/6) : 2001, effervescence vidéoludique à la Biennale de Lyon
Dans cette nouvelle série, Fisheye Immersive tente de faire taire les mauvaises langues : non, l’art et les jeux vidéos ne sont pas si…
12 septembre 2024   •  
Écrit par Zoé Terouinard
Explorez
Sónar+D : on connaît le line-up complètement fou de l'édition 2025
Sónar+D : on connaît le line-up complètement fou de l’édition 2025
À chaque fin de printemps, Barcelone se transforme en capitale de la musique électronique et des shows visuels, 3D ou non. 2025 ne...
14 mars 2025   •  
Écrit par Zoé Terouinard
Jake Oleson, quand la vidéo devient spatiale
“Currents” ©Jake Oleson
Jake Oleson, quand la vidéo devient spatiale
Présenté à l’occasion du festival SXSW, l'œuvre “Currents” de Jake Oleson fait passer l’art vidéo à un autre niveau : celui du format...
12 mars 2025   •  
Écrit par Zoé Terouinard
Laure Prouvost, 5 dates clés d'une carrière au service de la vidéo
Laure Prouvost ©David Levene
Laure Prouvost, 5 dates clés d’une carrière au service de la vidéo
Née dans la banlieue de Lille, l’artiste Laure Prouvost vit aujourd’hui au carrefour de la France, du Royaume-Uni et de la Belgique. Un...
11 mars 2025   •  
Écrit par Zoé Terouinard
« Electric Op. », l'expo qui célèbre la beauté des motifs géométriques
“Pintura Generative”, d'Eduardo Mac Entyre, 1970 ©Brenda Bieger/Buffalo AKG Art Museum
« Electric Op. », l’expo qui célèbre la beauté des motifs géométriques
À partir du 4 avril prochain, le Musée de Nantes s’associe au Buffalo AKG Art Museum et rend hommage aux créations géométriques...
10 mars 2025   •  
Écrit par Zoé Terouinard
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Justine Emard : "Je me bats pour la conservation des œuvres d’art numérique"
Justine Emard ©Quentin Chevrier
Justine Emard : « Je me bats pour la conservation des œuvres d’art numérique »
Invitée à prendre le contrôle de la 46e édition de notre newsletter éditoriale, en tant que...
14 mars 2025   •  
Écrit par Maxime Delcourt
Sónar+D : on connaît le line-up complètement fou de l'édition 2025
Sónar+D : on connaît le line-up complètement fou de l’édition 2025
À chaque fin de printemps, Barcelone se transforme en capitale de la musique électronique et des shows visuels, 3D ou non. 2025 ne...
14 mars 2025   •  
Écrit par Zoé Terouinard
« Échos du passé, promesses du futur », que penser de l'exposition du macLYON ?
aurèce vettier, la “traversée de la forêt, 2025” ©Juliette Treillet, Adagp, Paris, 2025
« Échos du passé, promesses du futur », que penser de l’exposition du macLYON ?
Extension de l’exposition historique “Univers programmés”, au macLYON, “Échos du passé, promesses du futur” privilégie la créativité...
13 mars 2025   •  
Écrit par Maxime Delcourt
« Univers programmés » : l’art numérique dans tous ses éclats
Adrien M & Claire B, “Core”, 2020 ©Lionel Rault
« Univers programmés » : l’art numérique dans tous ses éclats
Première partie d'une double exposition autour de l'art numérique, “Univers programmés” frappe par la richesse de sa proposition et la...
13 mars 2025   •  
Écrit par Maxime Delcourt