Alors que le festival de cinéma bat son plein, en parallèle, la section immersive fait la part belle au cinéma en réalité virtuelle. Et parmi les œuvres présentées, Lili de Navid Khonsari a particulièrement attiré notre attention.
Sous les ors du Palais, Cannes se fait chaque jour un peu plus le théâtre du sensationnel, entre 7ème art et soirées mondaines. Mais à quelques pas des flashs du tapis rouge, au sein de l’Hôtel Carlton, une autre forme de cinéma s’épanouit, au croisement du récit intime et de l’exploration technologique. Parmi les œuvres en sélection à Cannes Immersive, Lili, signée Navid Khonsari, se présente comme une réinterprétation du classique shakespearien, Macbeth.
Un thriller immersif à la croisée des genres
Lili est une œuvre sur l’ambition. Sur le pouvoir comme illusion. Mais aussi sur les failles d’un système qui écrase celles et ceux qui tentent de s’en affranchir. Par la voix de son héroïne – à la fois victime, bourreau, résistante et pantin -, le réalisateur Navid Khonsari compose une tragédie moderne, où le destin est codé, crypté, surveillé.
Dans les rues feutrées d’une ville iranienne, les secrets se glissent comme des ombres entre les murs. La corruption n’est plus seulement politique ; elle est sensorielle, invisible. Dans cette relecture néo-noire de Macbeth, Lili n’est pas une simple complice : elle est stratège, actrice de sa propre ascension – et, peut-être, de sa propre chute. Épouse solitaire d’un commandant de milice, elle orchestre un assassinat politique pour faire grimper son mari dans les hautes sphères d’un régime totalitaire. Mais l’ordre qu’elle pensait maîtriser vacille aussitôt, révélant d’autres forces à l’œuvre.
Un point de vue radical
C’est ici qu’intervient Hecate Web, un collectif de cyber-sorcières, figures puissantes et troubles, mêlant féminisme radical et piratage informatique. À mesure que la toile se resserre, Lili découvre une vérité dérangeante : le système qu’elle croyait pouvoir manipuler est celui-là même qui l’enferme, la réduit, l’éteint. Dans Lili, la narration interactive est poussée à son paroxysme : on évolue dans un monde saturé d’intelligence artificielle, de propagande algorithmique, et de surveillance étatique, où chaque pixel est un piège, chaque vérité une illusion.
Ni vraiment un jeu, ni vraiment un film, ni même une performance, le projet de Navid Khonsari – déjà salué pour des œuvres telles que 1979 Revolution: Black Friday ou Hero –, est un système narratif vivant, un théâtre immersif dont vous êtes l’agent clandestin. Un modèle de cyberféminisme !