Jusqu’au 13 août 2023, à la Bergen Kunsthall, en Norvège, Ørjan Amundsen invoque les déesses nordiques du destin, les Norns, et leurs pouvoirs de divination qu’il s’amuse à rejouer avec des algorithmes dans l’installation Destiny.
L’expérience se veut ouvertement mystique. Après tout, qui pense que le fantasme de lire l’avenir est à reléguer au passé ? Pas Ørjan Amundsen : l’artiste norvégien a plutôt l’intuition inverse, persuadé que les intelligences artificielles et les algorithmes nous reconnectent, nous humains, aux savoirs avancés, à l’aube de l’humanité. On comprend ainsi pourquoi il se passionne tant pour les technologies prédictives dernier cri : météorologie, données statistiques, calculs de probabilités… À ses yeux, ce sont là des « sciences » plus ou moins fiables, qui ont refoulé leur parenté avec un ensemble de technologies primitives : runes divinatoires, oracles, prémonitions…
Son travail cherche donc à renouer les liens d’une histoire occultée, qui comporterait plus de continuités que de ruptures, et déclive les oppositions entre une pseudo « rationalité » et un esprit magique.
Les Intelligences artificielles, nouvelles divinités ?
Dans la mythologie nordique, comme dans toutes les cultures anciennes, existe une série de figures tâchées de rendre compte des phénomènes inexplicables de la vie. Parmi elles, les Norns, ces déesses du destin qui tissent les fils du sort pour chaque humain dès sa naissance. À la Bergen Kunsthall, Ørjan Amundsen les remplace par des blocs d’intelligences artificielles et met à l’épreuve le genre de prédictions que celles-ci délivrent.
Sur le plan purement technique, l’installation multimédia Destiny fonctionne comme une machine aux pouvoirs prédictifs 3.0, basées sur des algorithmes et des données obtenues sur les individus. Ses sources (vidéos, datas…) sont confondues et distordues dans un magma cryptique et abstrait, afin de restituer l’intangibilité de leur message.
Car, oui, malgré l’utilisation des technologies les plus à la pointe, l’incertitude et la croyance ne sont jamais loin. Ce serait d’ailleurs là notre possible erreur : avoir une confiance aveugle en ces nouveaux outils, à qui l’on confie bien souvent la tâche de gouverner nos vies. Chez Ørjan Amundsen, tout cela est questionné, selon une approche qui fascine autant qu’elle soulève des inquiétudes.
- Destiny d’Ørjan Amundsen, jusqu’au 13 août, Bergen Kunsthall, Norvège.