À chaque nouveau terme, son lot de questions : qu’entend-on réellement par « i.artiste » ? Peut-on parler d’œuvre lorsque l’on crée à l’aide d’une IA générative ? Est-ce un crime de sauter l’étape de la création d’images ? Tentatives d’explication aux côtés de trois figures de l’IA.art. Pour ce premier épisode, rencontre avec Thibaud Zamora, 40 ans, fasciné par l’avenir que promet cette nouvelle manière de créer.
Tu as la particularité de créer, depuis plusieurs années, des histoires, des jeux et même des vaisseaux à partir de Lego. À quel moment l’IA a-t-elle commencé à faire partie de ton processus créatif ?
Ce n’est que récemment que j’ai débuté la création d’images par moi-même. En tant que développeur de formation, j’ai commencé par le Generative Art (P5.js). Puis, un jour de janvier 2022, je suis tombé sur un script dans un fil Reddit permettant de créer des images avec l’aide de l’intelligence artificielle. J’avais l’intention d’essayer pendant quelques minutes avant de retourner à P5.js… Depuis j’y consacre une dizaine d’heures par jour, selon un processus qui, je l’espère, inspire la contemplation, le voyage, l’introspection.
Selon toi, quelle est la définition d’un i.artiste ? Ce terme définit-il pleinement ta démarche/ton approche ?
Un i.artiste est tout simplement un artiste qui utilise l’IA comme outil. Ce n’est pas un mouvement très précis, dans le sens où il existe plusieurs courants au sein de ce domaine : des i.artistes maximalistes qui ne font aucune retouche sur leurs productions IA, et ceux qui utilisent l’IA comme une partie plus ou moins significative de leur processus créatif. Les outils d’IA sont présents dans Photoshop depuis des années (sélection du sujet, filtres neuronaux, etc.) et, récemment, Adobe a ajouté Firefly. Je pense que la frontière entre l’artiste numérique et l’i.artiste va progressivement disparaître, tout comme il n’existe pas de terme spécifique pour « Artiste Photoshop » ou « Artiste Procreate ».
» L’i.artiste ne ferait rien sans l’IA, et l’IA ne ferait rien sans l’artiste »
De ton côté, comment utilises-tu les IA ? Sont-elles présentes dès les prémices ?
Il faut savoir que l’i.artiste ne ferait rien sans l’IA, et l’IA ne ferait rien sans l’artiste. Le créateur est un guide, un explorateur dans un univers multidimensionnel, celui qui sait quelle étoile viser, comment s’en approcher. Par conséquent, il doit mener un travail de recherche intensif et d’itérations pour transmettre les coordonnées les plus précises à son vaisseau. Chaque modification, même minime, peut entraîner une transformation significative du résultat final. L’IA.art, où l’effet papillon est à son apogée, demande patience, analyse, déduction, recherche et intuition. C’est un nouveau monde qui se dévoile, un nouveau moyen de création qui m’émerveille pour son potentiel futur.
Il y a d’évidentes références aux années 1980 et à la culture pop dans ton travail. Il y a aussi la volonté de laisser flotter une note d’espoir au sein d’œuvres parfois sombres.
J’ai été nourri par les films de Steven Spielberg, Georges Lucas, Walt Disney, j’ai passé de longs moments à dévorer les œuvres de Jules Verne, Tolkien ou Robin Hobb. Les histoires de L’île mystérieuse, Les Goonies, Peter Pan, Pirates des Caraïbes, Monkey Island, ont toutes contribué à fertiliser mon imagination. Mon objectif, avec l’IA, est de rendre hommage à ces œuvres.
Comment vois-tu évoluer ce que l’on pourrait nommer l’IA.art ? Certains pourraient penser qu’il s’agit là d’une tendance, mais toi, vois-tu cela comme les bases d’un nouveau grand courant artistique ?
L’IA va radicalement changer l’Art, le divertissement et le monde dans son ensemble. Tout ce que nous pouvons imaginer va se produire, et beaucoup plus vite que nous ne l’imaginons. Quand on me demande si X, Y ou Z est possible avec l’IA, ma réponse est : « Si ce n’est pas possible aujourd’hui, cela le sera demain ». La question n’est donc plus de savoir si quelque chose est réalisable, mais « quand ». Prenez vos estimations, divisez-les par dix… vous verrez, vous serez toujours trop conservateurs.