Quand la Bourse de Commerce nous donne rendez-vous Avant l’orage, les Magasins généraux font un bond en avant météorologique et nous propulsent Après l’Éclipse, à voir jusqu’au 30 octobre 2023 à Pantin. Un accrochage fondamentalement collectif, que l’on découvre à travers quatre œuvres à l’ADN numérique.
Zine Andrieu, Christelle Oyiri, Seumboy Vrainom :€ et Silina Syan : ces quatre artistes figurent au sein de la programmation d’Après l’éclipse, l’exposition collective qui entend visibiliser des récits et voix trop longtemps occultées, éclipsées du monde de l’art. Celle-ci ne rassemble pas que des pratiques issues du numérique, mais leur accorde une belle place, se voulant en phase avec la jeune création et les médias actuels. Ce sont plusieurs figures d’une nouvelle scène nerveuse, issues d’une grande famille d’artistes qui « se connaissent et s’apprécient vraiment », soulignent-ils à l’unisson. Des artistes qui, en somme, n’attendent plus qu’on leur fasse une place sur les podiums pour s’imposer d’eux-mêmes avec style, en misant sur la force du nombre, de l’alliance. « Manifeste », « coup de poing », tels sont les mots des commissaires Anna Labouze et Keimis Henni pour définir les esthétiques rassemblées ici. En voici quatre oeuvres emblèmes.
Un Monstre Sans Nom, installation vidéo (2023) – Zine Andrieu
Au sein de ce film de 23 minutes, trois strates s’entremêlent : l’image d’archive, la captation réelle et le design 3D. Zine Andrieu y invente de nouvelles manières de raconter des histoires pour aborder des réalités qui, justement, n’ont encore jamais été racontées assez fidèlement à ses yeux, c’est-à-dire depuis le point de vue des concernés. Autoritarisme des politiques de « rénovation urbaine » dans les banlieues, exclusion et réclusion des populations mises au ban… Tous ces phénomènes sociaux sont représentés sans misérabilisme au sein de ce conte hybride, qui refuse de céder à la fatalité du destin. Cette même fatalité qui incarne encore la dramaturgie officielle dans l’imaginaire des classes populaires sur leur propre compte.
Pink Paradise, vidéo (2018) – Silina Syan
Pink Paradise est une vidéo qui donne à voir un royaume de paradis, artificiels oui, mais précieux à bien des égards. On y voit les parures de bijoux de tradition bengalie, que Silina Syan enfile et retire successivement, figurant le sentiment d’une identité communautaire fragile, jamais acquise, pour celle qui est née en France. Comme elle, ces bijoux s’avèrent tout aussi faillibles au niveau de leurs origines, certains « en toc » étant estampillés made in China. Plus qu’une œuvre, Pink Paradise est donc aussi une « déclaration d’amour » à la communauté familiale de Silina Syan, celle qui expose aussi ses fêlures.
Les Chroniques du Grand SEUM, installation multimédia (2022-2023) – Seumboy Vrainom :€
Seumboy Vrainom :€ s’intéresse au moins autant aux ressources documentaires disponibles en ligne qu’à leur idéologie sous-jacente, beaucoup moins explicite. Il a entamé en 2019 des recherches qui visent à exploiter ces données ambivalentes pour comprendre l’histoire coloniale. Son installation multimédia immersive invite ainsi à prendre le contrôle d’un ordinateur mis à disposition pour naviguer sur la trace du « SEUM », cette énergie présentée comme poison et antidote aux exactions de l’époque coloniale. Un bain de culture web qui nécessite aussi ses prières et ses rituels de purification, comme signifié dans son film Wifi-prière.
Hyperfate, montage vidéo (2022) – Christelle Oyiri
Encore une histoire de destin, et ce n’est sûrement pas un hasard… Ce coup-ci, c’est l’artiste Christelle Oyiri qui se penche, à travers un montage d’images lourd de sens, sur l’histoire du rappeur Tupac, né le même jour qu’elle. Ce faisant, elle s’intéresse aux figures du rap qui ont connu un sort tragique, les met en regard de sa propre destinée et interroge ainsi le déterminisme. Comment s’en sortir ? Comment s’extraire de cette lignée funeste et cruelle ? Telles sont les questions soulevées par Hyperfate : une video à l’esthétique blog /YouTube/DIY et qui prend aux tripes.