Décédée il y a près d’une décennie, la cinéaste belge voit son œuvre, longtemps ignorée, être redécouverte par toute une jeune génération de cinéphiles à travers un prisme féministe, queer, mais aussi artistique, comme en témoigne la magnifique retrospective que lui consacre actuellement le Jeu de Paume, à Paris. Au-delà de ses longs-métrages, Chantal Akerman était aussi une pionnière de l’art vidéo. La preuve en cinq œuvres clés.
Women in the Mirror – 1975
Œuvre pionnière de l’art vidéo, Women in the Mirror voit son autrice interroger la condition féminine à travers un dispositif minimaliste. Ici, les femmes se confrontent à leur reflet, oscillant entre affirmation et fragmentation de leur identité. Par ce geste simple, la Belge capte l’intensité des émotions refoulées et expose les conflits internes qui traversent l’intime. Un témoignage puissant sur les questions de genre, encore brûlantes d’actualité.
D’Est – 1993
À mi-chemin entre documentaire et expérimentation formelle, D’Est est une œuvre contemplative qui nous invite à travers un voyage allant de l’Allemagne de l’Est jusqu’à la Russie dans laquelle Akerman capte les atmosphères étranges d’un monde alors en pleine mutation. Le temps y est étiré, les plans sont longs, les visages capturés comme des paysages. En résulte une analyse poétique de l’après-chute du bloc soviétique, une méditation sur la mémoire et l’exil, une odyssée à travers les vestiges d’une époque en ruines.
Un divan à New York – 1996
Dans cette comédie aussi douce que décalée, la cinéaste explore le thème de l’altérité à travers l’histoire d’un échange d’appartements entre un psychanalyste new-yorkais et une danseuse parisienne. Ce film marque son incursion dans un cinéma plus accessible, sans pour autant perdre la finesse de son regard sur l’humain. En prime, Chantal Akerman questionne ici la solitude moderne sous un prisme à la fois léger et incisif.
Selfportrait/Autobiography: A Work in Progress – 1998
Selfportrait/Autobiography: A Work in Progress rassemble six moniteurs projettant une série d’images retraçant toutes les facettes de sa carrière. Très rarement exposé, ce travail se découvre plongé dans une salle noire, au sein de laquelle on découvre aussi bien des extraits D’Est que de Jeanne Dielman (1976), élu meilleur film de tous les temps en 2022 par la revue britannique Sight and Sound. Une manière habile de parler d’elle, tout en comblant des fantasmes jusqu’alors rarement inassouvis – rappelons que Chantal Akerman, reconnue comme cinéaste, se rêvait avant tout artiste.
From the Other Side – 2006
Ce documentaire, pensé comme une installation visuelle, explore les frontières entre les États-Unis et le Mexique, à travers le prisme des migrations et des divisions invisibles qui façonnent les sociétés. Akerman y filme les étendues désertiques et les vies fragmentées par des trajectoires brisées, sans jamais mettre de côté un propos profondément politique et poétique, où l’on retrouve son regard empathique sur l’altérité et les marges.
- Travelling, jusqu’au 19 janvier 2025, Jeu de Paume, Paris.