Ils s’appellent Salomé Chatriot, Samy La Crapule, Neïl Beloufa, Albertine Meunier et Joanie Lemercier… Ce sont les principaux visages d’une scène NFT française en plein bouillonnement, portés sur l’hybridation et constamment à l’affut de nouvelles esthétiques. Présentations.
Salomé Chatriot
Artiste multimédia née en 1995, codeuse, rompue au métavers, Salomé Chatriot se dit l’alchimiste d’une fusion assumée et heureuse entre corps organiques et artificiels. La révélation lui est venue à l’enfance, suite à un évènement qui l’a indéfectiblement liée à des appareils médicaux envers lesquelles elle se sent reconnaissante. Au fond, a-t-elle également l’impression de leur appartenir. Ce qui expliquerait en partie pourquoi elle crée aujourd’hui des processus artificiels à partir de son corps, synthétisant des données physiques comme sa respiration afin d’offrir son pouls à une machine lors de ses performances. Ces schémas respiratoires, Salomé Chatriot les transforme parfois en NFT, accompagnés de leurs oscillations si singulières et intimes. Un procédé qui rappelle non seulement les tourbillons vaporeux qu’elle modélise en 3D, mais témoigne également d’un univers fluide.
Samy la crapule
Depuis Paris, où il vit, Samy La Crapule laisse s’exprimer son subconscient par l’art, maniant avec dextérité la création numérique comme un réservoir inépuisable de formes comblant la créativité sans borne de ce designer d’images virtuelles – celles qui prennent souvent les traits d’humanoïdes à la beauté hors norme et époustouflante. À 24 ans, porté par un travail caractérisé par un « bon goût » faisant fi des diktats, Samy La Crapule tutoie déjà les plus hautes sphères de l’industrie de la mode. Dans son carnet d’adresse, figurent ainsi Prada, Versace, The Kooples, mais également Booba, pour qui il a produit un buste à l’aura de statue grecque 3.0. Dans le même genre, sa série SCULPTURA, non exempt de spiritualité, rassemble neuf statuettes physiques mixant anciennes et nouvelles divinités (on retrouve Atlas, des figures de fécondité, etc.). Chacune a son alias NFT, constituant un véritable cyberpanthéon.
Joanie Lemercier
On connaît Joanie Lemercier, artiste visuel né en 1982, au moins pour deux raisons. D’abord, pour la façon dont il a transcendé festivals et galeries avec des mappings architecturaux spectaculaires. Puis, plus tard, pour son travail sur les paysages en ruine de la modernité. En 2019, il filme ainsi dans Slow Violence l’immense mine de charbon à ciel ouvert d’Hambach en Allemagne, immortalisant à sa façon le ballet aussi grandiose qu’annihilant des engins. Fasciné par les technologies, puis converti à l’activisme, Joanie Lemercier met régulièrement à disposition son matériel professionnel (drones, laser…) pour des mouvements tels qu’Extinction Rébellion. Au fond, est-il tout simplement convaincu que le divorce entre NFT et écologie n’est pas encore acté. Pourquoi ? Parce qu’il vient de lancer le projet The Fen, une blockchain alternative peu énergivore avec des frais moindres pour les artistes.
Albertine Meunier
Albertine Meunier, surnom de Catherine Ramus depuis 2004, vit et travaille à Paris et Vitry-sur-Seine. Elle a vu les premiers ordinateurs, joujoux d’une inquiétante étrangeté dans les yeux de l’époque, fleurir dans les foyers. Il était donc tentant pour son esprit farfelu de s’y frotter. Dès 2014, celle qui se dit biberonnée à l’informatique a donc lancé avec Julien Levesque le mouvement DataDada autour d’un corpus disparate d’œuvres possédant, d’une façon ou d’une autre, de la data numérique. Objectif déclaré : révéler leur poésie tout en détricotant les ficelles des database des GAFA. Loin de s’arrêter là, Albertine Meunier produit à présent des NFT iconoclastes : tantôt dans une veine trash art potache, glitché ou fait de collages ne citant pas ses sources ; tantôt bricolés et low tech.
Neïl Beloufa
On hésite souvent à classer les œuvres de Neïl Beloufa du côté du cinéma ou de l’art contemporain. Jeune prodige récompensé du prix Marcel Duchamp en 2015, le trentenaire Franco-Algérien rend les pratiques de la vidéo, de la sculpture et de la peinture miscibles, la plupart de ses installations multimédias replaçant le spectateur au centre d’une fiction. Pour Neïl Beloufa, il s’agit avant tout de les envisager comme des façons de rejouer avec une distance ludique notre position dans le monde.
Travaillant sur la fabrique des pouvoirs marketing et politiques, l’artiste s’émancipe de tout prêt-à-penser : il défend l’idée contre-intuitive que c’est au numérique de dicter au réel son sens et la valeur de chaque chose. À se fier à ses projets, les NFT seraient alors utiles comme miroir censé visibiliser ce phénomène. Ado, Neïl Beloufa a lu le Crypto Anarchist Manifesto et reste tenté d’y voir là une économie hors-système potentiellement émancipatrice.