Dans Algorithmo Divino, l’artiste néerlandais Ganbrood collabore et s’abandonne à une intelligence artificielle. En résulte une expérience incroyablement divine, héritière du cadavre exquis.
« Vous qui entrez en ce lieu, abandonnez toute espérance », scandait Dante dans le chant III de L’Enfer de sa Divine Comédie. D’après l’artiste néerlandais Bas Uterwiik (alias Ganbrood), cette citation évoque l’idée de la transformation, de l’abandon de ses habitudes passées, ainsi que de l’adoption de nouvelles perspectives. C’est en tout cas ce que raconte en creux son évolution de carrière : longtemps caractérisé par sa pratique de la photographie, Ganbrood a embrassé ces quatre dernières années l’intelligence artificielle comme outil de création, profitant de son dernier projet, Algorithmo Divino, pour demander à cette technologie d’interpréter le chef-d’œuvre de Dante.
En résulte 333 illustrations hallucinantes générées par l’IA, évoquant de manière lointaine les œuvres de William Blake et, de manière plus convaincante encore, celles d’Aubrey Beardsley. L’ensemble est mintée et vendue depuis le 18 avril dernier par K011 de la galerie Kate Vass, à Zurich, qui a développé pour l’occasion sa propre plateforme et, surtout, sa propre technologie blockchain.
Gloire à la machine
La particularité de cette technologie, traditionnellement associée à l’IA générative, est notamment de produire les œuvres en temps réel pendant le mint. La totalité de ces 333 illustrations – qui explorent les trois royaumes décrits par la Divine Comédie (l’Enfer, le Purgatoire et le Paradis) – ont donc été engendrées par l’algorithme et les prompts de l’artiste. Quant au propriétaire du NFT, il lui est possible d’obtenir, en plus de l’illustration, l’ingrédient secret de Ganbrood : le prompt utilisé afin de générer l’image.
C’est là toute la beauté d’Algorithmo Divino, sa profonde intelligence : se baser sur un caractère « on progress », en temps réel, éloignant d’office le projet des pratiques couramment entrevues au sein de l’art IA. « D’ordinaire, explique Ganbrood, l’artiste commence avec une image, un prompt et poursuit avec mille et une itérations ; le processus est long et minutieux. Libre au créateur d’adapter et de nourrir le modèle IA de sorte que les images soient proches de son style habituel. » Dans Algorithmo Divino, Ganbrood abandonne ainsi toute espérance, toute volonté finale auprès de la machine.