Omniprésent derrière les visuels des plus grandes stars de la pop music, le designer numérique Weirdcore allie punk et avant-garde dans des créations qui prônent autant le chaos que l’émerveillement.
Depuis près de quinze ans, Weirdcore fait le tour des salles de concerts et des festivals du monde entier, de Glastonbury à Coachella, en passant par Dour et Sónar. À chaque fois, le créateur franco-britannique y a assure les effets visuels des plus grands artistes que compte la planète pop (Aphex Twin, Miley Cyrus, MIA, Simian Mobile Disco, Mos Def…). À chaque fois, ceux-ci prennent la forme d’écrans géants diffusant un univers hautement pixelisé, clairement WTF, et pourtant fascinant. À l’image de son approche, Weirdcore préférant l’anonymat à la célébrité, n’autorisant les interviews vidéo qu’à la seule condition que son visage soit modifié.
« C’est mon regard halluciné sur les années 1990 ! »
Pour comprendre comment Weirdcore est parvenu à marquer de son empreinte des concerts (re)vus par des centaines de milliers de personnes à travers le monde, il faut remonter à 2009, lors du festival Bloc à Minehead, date de sa première collaboration avec Aphex Twin, grand nom de la scène électronique et grande influence d’artistes tels que Thom Yorke (Radiohead) ou John Frusciante (Red Hot Chili Peppers). À l’époque, Weirdcore étudie encore la communication à l’Université de Leeds, commence tout juste à expérimenter l’animation visuelle, inspiré par ses soirées dans les squats de Londres et l’esthétique graphique underground des années 1990, mais son travail, unique et décalé, est très rapidement remarqué par Aphex Twin. Depuis, les deux compères n’ont jamais cessé de travailler ensemble.
« Quand j’ai commencé à créer des visuels pour Aphex Twin en 2009, je lui ai envoyé énormément de concepts pour cerner ce qui lui plaisait. Par chance, ses goûts évoluent très peu », plaisante Weirdcore à l’occasion d’une interview pour le média Tracks. Inspiré par ses propres expériences et son sens de l’esthétique, le travail de ce colleur numérique est à la fois personnel et universel, matérialisant visuellement les expériences de toute une génération de fêtards du début du millénaire. « Le clip “Collapse”, j’ai beaucoup repensé à mes expériences avec la drogue : c’est mon regard halluciné sur les années 1990 ! »
De l’underground à la pop
Celui qui déclare ne pas se considérer « comme un artiste, mais plutôt comme un designer qui interprète les choses de manière artistique » est l’un des dignes héritiers visuels du punk, dont seule la liberté semble guider ses créations. Peu importe l’imprévu et les accidents inévitables, Weirdcore s’en accommode, en fait une force, et semble même y trouver de la matière pour créer, sans jamais chercher la perfection. Une flexibilité qui lui permet de travailler avec des artistes à l’univers éclectique tels que MIA, dont « les goûts changent d’un jour à l’autre » d’après Weirdcore.
Une façon de travailler qui a contribué à l’évolution de son esthétique, de son approche : « J’ai appris à m’adapter très rapidement », confie-t-il. Mais aussi à s’éloigner du monde underground pour collaborer avec des artistes plus mainstream, sans jamais perdre son identité, foncièrement chaotique, née de bidouillages maîtrisés de divers outils numériques. Ses visuels hallucinants ont ainsi séduit des superstars des charts tels que Gwen Stefani, Miley Cyrus, le groupe de country les Dixie Chicks ou encore un groupe de J-Pop expérimentale auprès duquel Weirdcore semble actuellement prolonger son goût pour les marges et les expériences psychédéliques. « Je trouve que la pop occidentale – en Europe et en Amérique – est devenue si raffinée que l’on dirait presque une publicité, explique-t-il à Dazed. Au Japon, les gens sont encore assez fous et expérimentaux, même dans le monde de la pop, donc je suis très enthousiaste à ce sujet. » Nous aussi, Weirdcore, nous aussi.