Le mouvement a beau être né à Zurich en 1916, Dada n’a pas fini de faire parler de lui. Le voilà, en 2023, qui pose ses bagages à Cracovie, où un festival de musiques électroniques et d’arts numériques en fait sa source d’inspiration.
Collages surréalistes, poésie bruitiste, manifestes absurdes, peintures abracadabrantes… On connait le mouvement Dada pour son goût du bricolage, fait de bric et de broc, caractérisé par sa dérision. Qu’est-ce que cela aurait donné à notre époque ? Avec toutes les IA et autres technologies prêtes-à-l’emploi que nous avons à disposition, cela ne fait pas l’ombre d’un doute : les Dadaïstes se les seraient (ré)appropriées, les auraient détournées, hackées, auraient créé autant de bugs ludiques qu’il y a d’applications.
Car, si le mouvement Dada était sur le principe assez récalcitrant à toute idée de progrès, ses acteurs n’était pas foncièrement anti-technologies. Ainsi, ces derniers s’en seraient très certainement emparés, quitte à révéler autant leurs petites imperfections que leurs facettes imprévisibles.
Esprit Dada, es-tu là ?
On retrouve ces quatre lettres – D.A.D.A. – estampillées en tête du programme de l’Unsound Festival. Pas le moins du monde tourné vers le passé, ce dernier s’inscrit au contraire dans le genre totalement actuel des musiques électroniques, des arts numériques et expérimentaux. Ce qui ne l’empêche pas de revendiquer la filiation avec le mouvement intellectuel et artistique pensé Hugo Ball et Richard Huelsenbeck. En effet, pour son équipe, le Dada, c’est moins un genre particulier qu’un état d’esprit : « Le mouvement Dada a rejeté les idées de progrès, de logique et de rationalité au profit du non-sens, de l’indignation et du radicalisme », peut-on lire dans le dossier de presse.
Afin de perpétuer l’héritage, l’Unsound a ainsi la bonne idée de faire parler une IA sur son expérience de collaboration avec des humains – plutôt que ces sempiternels débats sur comment utiliser les technologies à notre avantage. Et sur scène, le Dada 2.0, ça donne ça : le rock expérimental « absurde » de Negativland en collaboration avec Sue Slagle (alias SUE-C), une artiste spécialisée dans la vidéo, la lumière et le codage créatif, le collectif japonais d’improvisation libre Marginal Consort, l’artiste Candela Capitán qui danse aux sons des vers étranges débités par un algorithme, 33EMYBW & Joey Holder… Comme quoi mixer Dada et Data, ça n’a rien de contre-nature.