Repérée à Art Rotterdam, début février, l’installation numérique de l’artiste hollandais transporte le public au cœur des montagnes autrichiennes. Pour un résultat « ascensationnel »?
Une tour d’écrans qui s’élève juste au plafond, une structure qui semble presque instable et une multitude de paysages montagneux diffusés. Indéniablement, l’installation du jeune graphiste Jurre Latour est une invitation au voyage, la culpabilité d’une empreinte carbone désastreuse en moins. Composée de neuf écrans d’ordinateur de tailles variées, Internet Explorer multiplie les allégories : la verticalité de l’œuvre renvoie à l’ascension d’un alpiniste, tandis que le nom même du projet fait écho au caractère numérique des images présentées (des paysages de montagne capturés via Google Earth), ainsi qu’à l’antique moteur de recherche Internet Explorer.
Un ersatz d’épanouissement ?
Si le travail de Jurre Latour, designer numérique basé à Utrecht, est rempli à ras bord de références, il comporte également son lot de contradictions fascinantes : alors que l’ensemble renvoie assez clairement à l’expérience de l’alpiniste, la nature statique du totem et les images purement esthétiques des cimes, elles, vont à l’encontre de l’effort fourni par celui qui grimpe réellement les sommets.
Là est toute la réflexion de l’artiste : si le numérique nous permet de vivre des semblants d’expériences, il est incapable de se substituer au réel. Oui, les images sélectionnées par le Néerlandais pour les besoins d’Internet Explorer (présenté comme projet de fin d’étude, d’où, probablement, l’impression d’un univers encore en construction) n’offrent qu’un aperçu d’un voyage en montagne. Oui, la technologie utilisée quotidiennement ne représente qu’un fragment de vie et tend possiblement à nous rendre paresseux. Critique, Internet Explorer interroge ainsi la notion d’épanouissement sans effort : pouvons-nous éprouver la même satisfaction qu’un alpiniste en regardant simplement des images de monts, aussi hauts soient-ils ? Rien n’est moins sûr.