Star d’une immense rétrospective au Musée des Arts Décoratifs, à Paris, Iris van Herpen redéfinit les codes de la haute-couture en insufflant au savoir-faire artisanal une touche de technologie, mise au service de silhouettes complètement surréalistes.
Été 2019, la Fashion Week bat son plein à Paris. Sur la scène de l’Elysée-Montmartre, les modèles habillés par Iris van Herpen défilent, laissant un public de modeux bouche-bée. Il faut dire que pour cette collection, la créatrice néerlandaise s’est associée avec l’artiste américain Anthony Howe, invité à agrémenter le podium d’une sculpture cinétique géante à laquelle la styliste a rendu hommage dans sa dernière silhouette : une robe blanche articulée entre deux branches rotatives, ornées de pétales assortis à l’oeuvre de Howe.
Quatre auparavant, elle avait déjà fait sensation avec un happening lors duquel trois robots imprimaient une robe en 3D pour l’actrice Gwendoline Christie, allongée sur le podium. Iris van Herpen aurait-elle le goût de la performance ? Oui, mais pas que.
Une recherche d’onirisme
Des vêtements qui bougent, de l’acier aussi léger que de la dentelle, des robes en impression 3D, des découpes à l’ultrason… Pionnière de la mode high-tech, Iris van Herpen multiplie les collaborations avec des scientifiques afin de développer des silhouettes et des matériaux toujours plus innovants : « Je pense que, parfois, la magie de la technologie provient de son invisibilité. La technologie devient si imperceptible qu’on est presque forcé d’imaginer le processus qui se cache derrière », confie-t-elle aux journalistes de CNN Style. Inspirée par les beaux-arts, les sciences naturelles, la danse ou encore la physique, la créatrice sublime ses modèles en les transformant en créatures oniriques, comme tout droit venues du futur.
Mode et méta-matériaux
C’est cet usage de la technologie, poétique, novateur, qui lui a permis de traduire en vêtements l’aérodynamisme des ailes d’oiseaux, la forme de l’eau ou encore le mouvement cinétique du vent. Celle qui « sculpte les sens » (du nom de l’exposition en cours au Musée des Arts Décoratifs) se sert de la technologie pour créer des textures vivantes, organiques, à des années lumières des discrètes petites robes noires de Coco Chanel.
L’avenir de la mode serait-il technologique ? « J’explore l’impression 4D depuis un certain temps déjà, explique la créatrice au média Harper Bazaar. Peu de gens connaissent cette technologie pour l’instant, mais c’est la prochaine frontière. Elle repose sur les mêmes principes que l’impression 3D, sauf qu’il est possible de créer des mouvements et des transformations à l’intérieur du matériau afin qu’il puisse changer de forme ou de texture au fil du temps. C’est donc toute une nouvelle génération de méta-matériaux qui fait actuellement l’objet de travaux qui n’en sont qu’à leurs débuts. Je pense qu’elle influencera la mode de manière radicale. »
Visionnaire, auréolée d’une aura prestigieuse à l’international (Lady Gaga, Björk, Beyoncé et Rihanna font partie de ses fans), Iris van Herpen annonce-t-elle ici le devenir de la mode ? Se poser la question, c’est déjà y répondre.
- Sculpting The Senses, jusqu’au 28 avril 2024, Musée des Arts Décoratifs, Paris.