Il paraît que pour savoir où l’on va, il faut savoir d’où l’on vient. Un adage qui se vérifie en tout cas au sein de l’Histoire de l’Art, qui n’a pas attendu l’arrivée de l’IA pour intégrer le numérique à son gros corpus. La preuve avec l’œuvre de Gordon Pask, The Colloquy of Mobiles, qui, en 1968, présentait déjà des échanges auto-gérés entre machines.
À l’occasion de la légendaire exposition d’art informatique Cybernetic Serendipity de 1968 à l’Institute of Contemporary Arts (ICA) de Londres, le cybernéticien britannique Gordon Pask imagine une œuvre qui fonctionnerait comme un système social de cinq mobiles contrôlés par ordinateur. Pour faire simple, disons qu’il envisage une installation où les machines seraient capables de converser entre elles via la lumière et le son.
La teneur de ces interactions ? Des bavardages futiles, comme lors d’une rencontre dans un cocktail mondain, ou des rituels de séduction, à la manière d’une parade nuptiale d’une étrange espèce animale : les « mâles » émettent ainsi un faisceau de lumière dans le but de trouver une « femelle », tandis qu’un miroir renvoie la lumière vers le « mâle ».
L’ancêtre de l’IA
Pour donner vie à cette ambition, qui relève alors d’une véritable prouesse technique, Gordon Pask a notamment créé un cadre cybernétique, sobrement nommé « théorie de la conversation », dans lequel il a appris aux machines à se nourrir elles-mêmes d’informations tirées du monde physique. Avec The Colloquy of Mobiles, c’est en effet la première fois que des machines sont capables de discuter entre elles, sans intervention humaine, bien qu’il soit tout de même possible d’engager la la conversation avec elles à l’aide de lampes de poche et de miroirs.
Impressionnante, l’installation pose alors les prémices de l’intelligence artificielle. Ou du moins, annonce l’intérêt de cette dernière au sein du processus créatif.