On y était : Tokyosaï, le festival qui célèbre l’art japonais

On y était : Tokyosaï, le festival qui célèbre l'art japonais
©Emi Kusano

Quel est le point commun entre la réalité augmentée, les NFTs, le design et l’art génératif ? Tous ces médiums forment ce qui est coutume d’appeler l’art digital, et tous sont rassemblés aux Magasins Généraux, à Pantin, le temps d’un week-end pensé pour célébrer l’effervescence numérique de la scène artistique japonaise. On y était, on vous raconte.

À peine sommes-nous entrés que la bande-son de l’exposition transporte illico à l’autre bout du globe. Qu’importe l’aspect brut des Magasins Généraux – ses colonnes bétonnées, ses tubes métalliques, ses murs aux parpaings apparents, son architecture au style industriel -, tout ici est fait pour rompre avec cet aspect urbain en monochromé gris, apporter un peu de traditionnel et rappeler le gigantisme de la capitale japonaise.

Tokyo est en effet le centre de ce festival, son cœur battant, la Terre natale ou d’accueil d’une pléiade d’artistes talentueux, tous réunis durant quatre jours afin de proposer une myriade d’esthétiques et de processus créatifs uniques. Évidemment, les marques sont également présentes, notammentASICS, qui dévoile pour l’occasion une œuvre imaginée en collaboration avec l’artiste japonais Takeru Amano : la sculpture d’une vénus inédite portant une paire de baskets de la célèbre marque.

©Takeru Amano

Un art qui fait écran

Ce qui retient l’attention de cette première édition, c’est toutefois l’omniprésence de ces écrans, chargés d’occuper l’espace, d’enrichir la scénographie. Six d’entre eux diffusent d’ailleurs des NFTs au style très hétéroclite, pouvant aller d’un univers poétique et féérique à celui du jeu vidéo. Seule constante : ce même rapport passionnel à la 3D, à l’art génératif ou encore à l’intelligence artificielle. On retrouve ainsi l’artiste Sawako Kabuki et son univers à la fois sulfureux et humoristique via l’animation pop Plug (2023). Ou comment, derrière des couleurs chatoyantes, foncièrement aguicheuses, poser un regard critique sur la représentation de la femme en tant qu’objet de consommation.

À quelques pas de là, on retrouve également une peinture numérique, Never Die Before Going To Outer Space (2023) : réalisée par Kazuhiro Aihara, nouvelle prêtresse tokyoïte des textures numériques, notamment saluée par XCOPY (qui a intégré certains de ses travaux sein de sa collection personnelle), l’œuvre exposée interpelle. Parce qu’elle témoigne du goût de la Japonaise pour les animations pixelisées et les portraits abstraits, mais aussi parce qu’elle plonge dans un état méditatif, encourage une certaine forme de déconnexion.

Synthetic Reflection ©Emi Kusano

Réflexions synthétiques

Tout aussi surréaliste et pop est le travail de Kota Yamaji, designer graphique et artiste numérique venu présenter Raisin (2024) : une œuvre en 3D riche de mille couleurs, d’où émerge une créature à cornes, aux dents et oreilles pointues, semblable à l’image que l’on pourrait se faire d’un troll. Mention spéciale également à Synthetic Reflection, une série d’autoportraits réalisés à l’aide de l’intelligence artificielle par l’artiste pluridisciplinaire Emi Kusano. Il y a quelques mois, cette dernière nous disait « adorer le style rétro, les années 1980-1990, les magical girls, la sci-fi et les gyaru ». Cela se vérifie aujourd’hui avec cette proposition, caractérisé autant par ce soin apporté aux vêtements et aux objets de design que par cet attrait pour les univers intemporels, en équilibre constant entre les visions futuristes et les élans nostalgiques d’une époque révolue – la présence de cette femme attendant sagement son mari dans la cuisine en atteste !

On comprend alors qu’Emi Kusano profite de Synthetic Reflection pour explorer sa propre identité, opérer une sorte d’introspection. Toutes les œuvres réunies pour Tokyosaï ne revêtent pas la même ambition, profondément intimiste, mais toutes – du crypto art de Saeko Ehara à l’art génératif de Shunsuke Takawo, en passant par les créations digitales d’Hana Watanabe, toujours autant animée par l’envie de questionner la solitude urbaine – use des nouvelles technologies à des fins artistiques. Le plus impressionnant, c’est qu’elles le font en ne refusant jamais le clinquant, la séduction, le côté immédiat de propositions incroyablement ludiques et symptomatiques d’une effervescence artistique actuellement en cours au Japon.

  • Tokyosaï, exposition collective, jusqu’au 4 février 2024, Magasins Généraux, Pantin.
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