24 artistes numériques à suivre en 2024 (2/2)

24 artistes numériques à suivre en 2024 (2/2)
“Tongues Of Verglas” ©Jakob Kudsk Steensen

Au sein d’un monde de l’art parfois figé dans ses certitudes, avec ses embûches, ses calculs et ses stratégies, le trajet d’un jeune artiste peut ressembler à un parcours du combattant. En souterrain ou non, au sein des grandes institutions muséales ou pas encore, ils et elles œuvrent pourtant pour l’édification et la visibilité d’un art nouveau, assez théorique pour s’inscrire dans l’histoire de l’art mais avant tout porté par des moyens de production et de création hérités du numérique et des nouvelles technologies. Pour 2024, Fisheye Immersive en a sélectionné 24 qui, selon toute vraisemblance, devraient marquer les prochains mois de leurs idées neuves. Deuxième partie ! (Découvrir la première partie)

Duality ©Beryl Belici

Beryl Bilici

Totalement autodidacte, l’artiste turque, née en 1995, a très vite vu dans les technologies numériques une double possibilité : traduire en un art singulier ses principales inspirations (issues de la science-fiction, de la sculpture, du dessin, des jeux vidéo), et ne s’imposer aucune limite. L’intérêt de la 3D, chez Beryl Bilici, un peu comme l’utilisation de l’IA ou la réalité augmentée chez d’autres artistes, est ainsi de voir sa créativité augmentée, d’élargir son style et étendre son propre champ artistique, ici caractérisé par ces corps de femmes dont la puissance et les atours futuristes ne viennent jamais masquer la vulnérabilité d’un regard ou l’émotion qui pourrait jaillir de l’expression du visage. « Ce à quoi j’ambitionne, c’est d’offrir des récits alternatifs qui célèbrent la forme, la force et la complexité des femmes », nous confiait-elle. Mission réussie !/MD

©aaajiao

aaajiao

Xu Wenkai – plus connu sous le nom d’aaajiao – naît en 1984 à Xi’an, en Chine. « La même année que l’ouvrage d’Orwell », s’amuse-t-il. Comme un signe du destin, ce goût pour la dystopie le suivra du berceau à son atelier, à Berlin, où il vit et travaille aujourd’hui. Fasciné par l’utilisation des données et les formes d’expression qu’elles permettent, aaajiao explore dans son travail les nouveaux modes de pensée, controverses et phénomènes liés à Internet, presque obsédé par l’idée d’être le témoin privilégié d’une jeunesse en pleine évolution. 

Se définissant aussi bien comme artiste, blogueur, activiste et programmeur que comme « libre penseur », aaajiao est l’un des artistes chinois issu des nouveaux médias le plus exposé à l’international. ZKM, CAFA Art Museum, Musée national d’art de Chine, Pompidou : les plus grandes institutions du monde s’arrachent le lauréat du Prix du Jury des Art Sanya Awards 2014. /ZT

No title, 2023 ©Saeko Ehara

Saeko Ehara

Depuis Tokyo, Saeko Ehara entretient visiblement deux passions : l’artisanat (les bijoux en acrylique, les petites verreries, les compositions florales) et la culture Y2K, dont elle embrasse avec passion les couleurs flamboyantes et la fantaisie graphique dans ses œuvres, nostalgiques, certes, mais richement détaillées. À ces deux obsessions, on pourrait en ajouter une troisième : le Vjing, qui lui permet de tourner dans le monde entier sans jamais oublier de satisfaire les adeptes du crypto art et les collectionneurs NFTs en publiant à intervalles réguliers de nouveaux travaux, à l’intersection exacte entre l’IA et l’art génératif./MD

Reality is an Obstacle ©Tabitha Swanson

Tabitha Swanson

Originaire du Canada, Tabitha Swanson vit et travaille à Berlin où elle développe des créations 3D, ainsi que des projets en réalité virtuelle et augmentée. Des oeuvres numériques uniques au sein desquelles l’artiste explore la frontière entre mondes physiques et virtuels. « J’essaie de comprendre le monde sous un angle différent », confie celle qui s’est majoritairement formée sur Internet, en autodidacte. 

Passionnée depuis toujours par la création artistique, elle s’est malheureusement heurtée à une réalité que connaissent beaucoup de jeunes artistes. Jonglant avec plusieurs emplois pour financer sa pratique, confrontée au mal du pays, et esseulée avec l’arrivée du Covid… Un épisode qui, malgré son extrême difficulté, aura eu le bénéfice de lui inspirer le personnage Nys, sorte d’avatar d’elle-même qu’elle fait évoluer dans des cosmoverses. « Nys était un personnage que j’ai créé pendant le confinement, une représentation de moi-même, mais aussi une sorte de personnage fantastique dans un pays fantastique », révèle-t-elle. /ZT

Jakob Kudsk Steensen

À 37 ans, Jakob Kudsk Steensen est peut-être l’artiste le plus identifié de cette sélection. Exposé actuellement au Bicolore, via Aquaphobia, une installation vidéo où le personnage principal est une sorte de bulle d’eau se baladant entre des mondes souterrains et d’autres situés en surface, le Danois séduit tout particulièrement par son sens de la narration, décliné via la VR, la 3D ou les récits cinématographiques.

Ouvertement collaboratif, sollicitant à chaque projet des biologistes, des compositeurs ou des écrivains, le travail de Jakob Kudsk Steensen incarne la prise de pouvoir d’une génération d’artistes nés dans les années 1980 et déterminés à traduire leurs obsessions esthétiques et thématiques – ici, l’environnement – dans des installations immersives et sonores. /MD

©Lana Denina

 Lana Denina 

L’artiste franco-béninoise Lana Denina est une véritable star dans les cercles NFT. Et pour cause, celle qui s’intéresse aux « jetons non fongibles » dès 2020 est à la tête de collections estimées à plusieurs centaines de milliers de dollars. Une fortune considérable pour cette jeune pionnière vivant et travaillant à Montréal, âgée de 26 ans à peine. « J’ai fait de l’art toute ma vie. Quand j’avais 13 ans, j’ai commencé à faire de l’art numérique : une conséquence du fait d’être un peu geek et de passer la plupart de mon temps sur des ordinateurs. » Une passion qu’elle relègue d’abord au rang de hobby, s’orientant dans un premier temps vers une carrière dans le marketing, jusqu’au moment, en 2020, où elle entend parler des cryptomonnaies, puis des NFT. « J’ai réalisé très tôt que les NFT changeraient absolument la vie de tout artiste numérique, en créant un marché pour les personnes qui souhaitent pouvoir vendre et acheter des actifs numériques en leur nom», explique-t-elle. 

Une déclaration presque prophétique puisque, depuis, les portraits féminins dessinés et vendus numériquement de Lana Denina ne cessent d’affoler la blockchain. Quitte à flirter avec des records à chaque vente. /ZT

Stone Greece ©Kamyukami

Kamyukami

On sait encore peu de choses au sujet de Kamyukami. Si ce n’est son vrai nom (Camille Petit), ses accointances avec des artistes bien aimées de Fisheye Immersive (Inès Alpha ou Mélanie Courtinat), ses collaborations avec le studio Golgotha ou une nouvelle partie de la nouvelle scène musicale française (Oklou, Ascendant Vierge), et son appétence pour les créations 3D, peuplées d’éléments organiques ou biologiques.

Pas un hasard, donc, si le Français a récemment conçu un faux jeux vidéo dont les séquences s’inspirent ouvertement des errances dans des lieux naturels, dépourvus d’humains, permis par des jeux comme Zelda. Parfois futuristes, souvent surréalistes, les projets de Kamyukami fascinent systématiquement par leur façon de dessiner des paysages cybernétiques./MD

Paysages dépaysés ©Anna Bacheva

Anna Bacheva

Diplômée des Beaux-Arts de Sofia (option « Scénographie Numérique ») et de l’Académie des Arts du Cinéma de Sofia, la Bulgare Anna Bacheva vit aujourd’hui à Paris où elle développe des récits audiovisuels, des paysages multisensoriels et des expériences d’immersion en lien avec la technologie, le design et l’art.​​ Grâce à des outils technologiques, elle transforme des prises de vues numériques en images 3D imprévisibles, et nous fait ainsi voyager dans des mondes encore inconnus. Leur particularité ? Détourner des portraits jusqu’à faire des visages des compositions abstraites ou agrémenter le paysage urbain d’éléments virtuels. 

Cette pratique, justement, lui permet d’atteindre le statut d’artiste incontournable de la scène numérique. Disponible sur Instagram, son œuvre bkvAR est une sculpture flottante accompagnée d’une ambiance sonore, que l’on a notamment vu déployée devant le Centre Pompidou. Le temps, le réel, et toutes nos certitudes : Anna Bacheva les balaye, préférant largement le rêve illimité à toutes ces conceptions limitantes. /ZT

Leonhard Müllner

« Ma passion est d’explorer le futur des arts et du design. » Difficile de faire plus éloquent que le propos de Maike Thies, la responsable de REFRESH, un festival interdisciplinaire basé à Zurich où, hasard du destin, Leonhard Müllner a pu présenter début janvier la manière dont il intervient de manière artistique dans l’univers des jeux vidéo contemporains. À 36 ans, l’Autrichien s’inscrit ainsi dans les pas du collectif local Total Refusal, et en prolonge la réflexion marxiste en se servant de chacune de ses vidéos pour représenter la classe ouvrière ou l’aliénation au travail. De là à parler de désobéissance numérique ? Il n’y a qu’un pas que Leonhard Müllner est libre de franchir ou non. /MD

Sunset in Metaone ©Ben Elliot & Esther Schipper

Ben Elliot 

Artiste et influenceur, Ben Elliot fait de sa vie une œuvre d’art total. Installé à Paris, où il est né en 1994, le Français est l’incarnation idéale du paroxysme de l’industrie spectaculaire autocentrée, ou plus vulgairement d’une société tournée vers la mise en scène d’elle-même. Rejeton de Kim Kardashian et de Marcel Duchamp, il vend son image et son nom, filmant sa Ben Elliot Party sur ses réseaux, commercialisant sa Ben Elliot Water ou ouvrant son Ben Elliot Shop. À la manière de sa mère spirituelle, il sort un livre regroupant ses statuts Instagram et érige l’application de maquillage virtuel Perfect365 au rang d’art en exposant ses détails dans une galerie.

Si ce travail ultra-narcissique se joue volontiers de l’image, il a surtout pour but à en croire Ben Elliot de brouiller la frontière entre sa personne physique et son avatar, largement mis en scène sur ses réseaux. « On devient tous des avatars », se plaît-il à dire. Et à l’heure où les filtres aseptisent les visages des icônes des réseaux sociaux, celui qui fait le choix volontaire de l’artificiel ne pourrait pas avoir plus raison. /ZT

©Sybil Montet

Sybil Montet

Installée au sein du Poush, un lieu d’artistes pour la création et l’exposition à Aubervilliers, Sybil Montet ne compte pas se limiter à la France. Pour cela, elle peut notamment compter sur le soutien de diverses publications internationales (Cura Magazine, Flash Art Italia, Studio Magazine ou encore Numéro Berlin), qui soutiennent son travail, mais aussi sur ses propres créations 3D, trop ésotériques, organiques et expérimentales pour ne pas séduire – ou du moins, intriguer.

Depuis ses débuts, les outils du CGI (Computer-Generated Imagery) ont toujours été au cœur du processus créatif de Sybil Montet, qui utilise le langage numérique et l’animation 3D afin de développer un écosystème fictionnel et critique via l’image de synthèse, la sculpture, le design d’objet et, bien évidemment, l’intelligence artificielle. Il y a donc chez elle, au-delà de son rapport aux technologies émergentes et ses collaborations avec les marques (Off-White, Moncler, Nnormal), l’envie d’explorer les images mentales, la volonté de questionner les synchronicités entre l’informatique, la nature et la fantaisie, le besoin de donner des performances visuelles profondément immersives. /MD

Interference #19, 2023 ©Sarah Meyohas

Sarah Meyohas

Il suffit de cliquer sur le site de Sarah Meyohas pour en avoir la confirmation : IA, réalité virtuelle, réalité augmentée, « crypto-currency ». En quelques mots, la Franco-Américaine, 32 ans, définit la richesse et la pluralité de son univers – et, par extension, celui de son studio, éponyme, établi à New York. Révélée en 2015 – via Bitchcoin, l’un des premiers NFT à dépasser la frontière des plateformes dédiées au crypto art -, Sarah Meyohas a depuis fait un sacré bout de chemin, exposant dans divers lieux prestigieux (Rockefeller Center, New Museum of Contemporary Art, Barbican Centre, Ming Contemporary Art Museum) et intégrant la collection du Centre Pompidou.

Au-delà de ces hauts faits d’arme, apte à affoler les wikipédistas, c’est avant tout son œuvre qui retient l’attention, notamment cette faculté à utiliser des éléments de la vie biologique pour illustrer, critiquer ou traduire les opérations complexes qui régissent le monde. L’eau, les oiseaux ou les plantes deviennent ainsi, derrière leur apparente poésie, les symboles d’une époque abandonnée aux technologies et à l’économie néolibérale. Malin ! /MD

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