Être artiste, c’est permettre la rencontre avec une œuvre, une pensée, un thème, une esthétique. Pour ce faire, il faut d’abord, du côté de l’artiste en question, s’être fait reconnaître. C’est l’objectif de « Premier contact », série de mini-portraits pensés comme des speed-meeting, des premiers points d’accroche avec de jeunes artistes et leurs univers si singuliers. Cette fois, Fisheye Immersive s’intéresse à Camille Roux, ingénieur informatique et codeur devenu artiste d’art génératif un peu malgré lui.
Un élément biographique
Originaire de Montpellier, Camille Roux est un matheux dans l’âme. Après une classe préparatoire aux grandes écoles en physique-chimie, il devient ingénieur informatique en 2008, notamment en tant que développeur back-end chez Ruby on Rails. Un emploi dans lequel il exprime sa passion pour le code, mais qu’il cherche à agrémenter de ce qu’il nomme un « passe-temps ». Dans cette optique, il s’est d’abord intéressé à la production musicale, avant de fixer son intérêt sur l’art, en demandant à un ami de lui apprendre à dessiner. Une pratique manuelle qui s’est ensuite transposée sur son iPad à l’aide du logiciel Procreate, et qui ne cesse depuis d’évoluer. À en croire Camille Roux, cet attrait n’avait d’ailleurs d’autre option que prendre la forme d’un codage créatif avec p5 : « J’ai commencé à regarder des bibliothèques de codage créatives, des artistes principaux, à suivre des gens sur Instagram… J’ai adoré ça et j’y ai consacré tellement de temps. (…) Peu de temps après, j’ai appris le p5. J’ai commencé à publier mes premières œuvres sur Instagram ».
En 2021, la découverte de fxhash, plateforme d’art génératif sur la blockchain Tezos, provoque dans sa pratique un véritable bouleversement. Après l’appréhension de cette plateforme, il y sort 15 projets, dont ARTERIA, lauréat la distinction « Icon » par Tender. Il minte également sur 256art ou 8bidou, et a récemment été sélectionné par le collectif New French Touch pour minter sur SuperRare. Pas rien.
Une œuvre
ARTERIA, justement, parlons-en. Cette série générative longue durée publiée sur fxhash est basée sur des agents autonomes qui tracent des chemins en suivant un ensemble de lois. Les éléments ont des comportements par défaut : ils vont vers l’avant, se reproduisent et disparaissent lorsqu’ils rencontrent la trajectoire d’un autre agent. Cette ligne commune est perturbée par des dizaines de paramètres aléatoires, comme leur position, leur taille, leur couleur ou leur angle de naissance, tandis que certaines règles locales viennent également dynamiser l’ensemble (par exemple, tous les agents de la moitié supérieure tournent plus lentement que les autres).
Ce ne pourrait être là qu’un art tourné vers la technique si Camille Roux ne lui confiait pas une dimension intime : cet ensemble, profondément vivant, est en effet nommé en hommage au sud natal de l’artiste (« artèria » signifie « artère »en vieil occitan, langue romane parlée dans le sud de la France), qui s’en sert ici pour créer des motifs aux possibilités infinies.
Un haut fait d’armes
En mars 2023, Camille Roux est invité comme artiste en résidence à Bright Moments, marquant la sortie de son projet Intricada. Lequel, grâce au soutien de la galerie d’art digital, a acquis une reconnaissance internationale, avec des vitrines dans des villes mondiales comme New York, Londres, Mexique et Tokyo. Avec, une fois encore, cette volonté de conserver un propos relativement intime : toujours en vieil occitan, « intricada » signifie « entrelacé », et explore, à travers les mêmes procédés techniques évoqués plus haut, l’équilibre entre émergence et contrôle.