Premier contact : Libby Heaney, en 3 infos essentielles

Premier contact : Libby Heaney, en 3 infos essentielles
Vue de l'installation “Ent-, Light Art Space”, avec l’aimable autorisation de LAS ©Andrea Rossetti.

Être artiste, c’est permettre la rencontre avec une œuvre, une pensée, un thème, une esthétique. Pour ce faire, il faut d’abord, du côté de l’artiste en question, s’être fait reconnaître. C’est l’objectif de « premier contact », série de mini-portraits pensés comme des speed-meeting, des premiers points d’accroche avec de jeunes artistes et leurs univers si singuliers. Cette fois, Fisheye Immersive s’intéresse à Libby Heaney, artiste et docteure en physique quantique, pionnière dans l’usage de l’informatique quantique et de l’IA au sein de la création artistique.  

Un élément biographique

Originaire de Tamworth, en Angleterre, Libby Heaney obtient son diplôme en physique à l’Imperial College de Londres en 2005 – avec les honneurs, qui plus est. Elle se lance alors dans un doctorat à l’Université de Leeds où elle rédige une thèse sur l’intrication des modes dans les gaz atomiques ultra-froids, et poursuit dans ce domaine à l’Université nationale de Singapour. Considérée comme une grande personnalité du monde de la physique, elle reçoit en 2008 le prix des « femmes en début de carrière en physique » de l’Institut de physique. Depuis, ce prix a changé de nom, pour adopter celui de l’astrophysicienne Jocelyn Bell Burnell. 

En parallèle, la chercheuse commence à s’intéresser à l’art et, une fois revenue à Londres en 2013, enchaîne les diplômes avec la même aisance que dans la physique : elle obtient ainsi une maîtrise à l’Université des Arts de Londres, puis un diplôme en « Arts & Sciences » à Central Saint Martins en 2015, avant d’enseigner la conception d’expériences informationnelles au Royal College of Art.

Vue d’installation de Libby Heaney :  Ent- à la Schering Stiftung, Berlin, 2022.

Une œuvre

Après avoir conçu Lady Chatterley’s Tinderbot en 2016, une expérience présentant des conversations Tinder entre de vrais utilisateurs et des robots IA, mais aussi Britbot, un robot pensé à l’aide de l’intelligence artificielle et d’un livre sur la citoyenneté (La vie au Royaume-Uni : un guide pour les nouveaux résidents), épinglé par l’artiste pour sa vision privilégiée et blanche de la culture britannique, Libby Heaney se jette à corps perdu dans une pratique artistique. On est alors en 2019, et c’est désormais une certitude : l’Anglaise compte désormais utiliser l’informatique quantique dans ses installations et performances immersives, ouvertement critiques.

C’est notamment le cas de ses travaux Ent- et L’évolution d’Ent-:QX, deux projets connectés initiés en 2022. Commandée par l’organisme artistique avant-gardiste berlinois LAS Art Foundation, l’installation immersive à 360° revisite le célèbre Jardin des Délices de Jérôme Bosch (1503–1515), sauce code quantum. Pour cela, l’artiste s’appuie sur le code quantique afin de déformer et animer ses propres aquarelles. Là où le chef-d’œuvre de Bosch met en lumière la dualité de l’homme, tiraillé entre vice et vertu, la version 2.0 de Heaney insiste sur la puissance de calcul des nouvelles technologies, qui peuvent nous exposer au meilleur comme au pire. Exposée à la LAS Art Foundation ou encore lors d’Ars Electronica 2022 (entre autres !), Ent- a également été adaptée pour une projection en dôme complet pour le Deutsches Museum de Munich, et transformée en une version jouable à l’occasion d’une exposition au Nahmad Contemporary à New York. 

Une actualité

Lauréate du prix Falling Walls (catégorie « Art-Science ») et du Prix Lumen (prix de l’environnement immersif), Ent- a fini par inspirer une autre œuvre. Sorte de réédition ou de suite de ce premier travail, L’évolution d’Ent-:QX, présentée pour la première fois à la arebyte gallery de Londres, imagine une société fictive d’informatique quantique afin d’éduquer le spectateur sur l’utilisation de cette technologie par les grandes corporations. Au passage, Libby Heaney en profite pour offrir des pistes de réflexion sur un usage plus vertueux du code quantique. 

Jusqu’au 26 mai prochain, l’artiste britannique fait également l’objet d’une grande exposition monographique au HEK de Bâle, une première en Suisse. Intitulée Quantum Soup, cette rétrospective revient sur la création d’un nouveau langage artistique par l’artiste-physicienne, ainsi que sur sa manipulation de l’informatique quantique en outil critique et analytique de notre société. « Les expériences quantiques peuvent aider les gens à réaliser que les choses ne sont ni limitées, ni figées, souligne Libby Heaney. Dans le contexte de la crise climatique, il est très important de comprendre cette interconnectivité »

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