Cette troisième édition est centrée autour de la thématique du corps. Pourquoi cette décision ?
Roei Amit : Pour chaque édition, on essaye de trouver un axe qui puisse répondre à trois critères : structurer un propos, résonner avec l’air du temps et faire sens avec le format numérique. Le corps, cette année, répond à ces trois exigences. Parce que nombreux sont les artistes digitaux à s’approprier cette question, à créer d’autres réalités, d’autres corps, plus virtuels, plus augmentés, s’affranchissant ouvertement de contraintes. Et parce qu’il occupe une place centrale au sein de nos sociétés : ces derniers jours, par exemple, Apple a annoncé la commercialisation de nouvelles lunettes en réalité augmentée. Cela en dit long sur les possibilités ouvertes par les technologies numériques.
La programmation, bien qu’extrêmement diverse, est resserrée autour de quatre artistes. Comment s’opèrent les choix ?
Roei Amit : Quand on sélectionne un artiste, on le fait non seulement par rapport à ses préoccupations passées, mais aussi en fonction de son appétence à participer à une aventure, à créer une œuvre inédite autour d’une thématique précise et au sein d’un espace dédié. Une fois que l’on est tous conscient de cette prérogative, un travail de longue haleine se met en place. Il ne s’agit pas simplement d’être dans la curation, il s’agit aussi d’accompagner l’évolution d’une œuvre jusqu’à sa forme finale.
Lors de la conférence de presse, il a été évoqué par certains artistes que la France avait longtemps été en retard au sujet des arts numériques et immersifs. Quel est votre avis sur ce sujet ?
Roei Amit : Je dirais que l’on ne manque pas de structures, on est simplement au cœur d’un art en pleine évolution et structuration. Chaque semaine, des outils numériques s’ajoutent à la palette des outils créatifs mis à disposition des artistes, par essence toujours en avance sur les institutions. Sachant que ces technologies évoluent en permanence, les galeries ou les musées ne peuvent que tenter d’accompagner, plus ou moins rapidement, plus ou moins efficacement.
Reste que si on fait un arrêt sur images, on se rend bien compte que la France peut aujourd’hui compter sur des filières de formation très compétentes, que de plus en plus de structures accompagnent ces nouvelles créations (galeries, festivals, musées, aides publics, etc.). Il est vrai qu’il n’y a rien de semblable au Palais Augmenté, mais c’est aussi parce que la réalité augmentée n’était pas encore très développée avant que l’on apparaisse. Il y aura toujours du manque, mais c’est précisément ce manque qui sert de catalyseur à tout ce qui se passe autour de nous.
Le numérique implique-t-il, comme on le dit souvent, de nouvelles monstrations, de nouveaux liens avec le public ?
Roei Amit : Pour le public comme pour les institutions culturelles, la technologie n’est qu’un outil qui ne dicte pas nécessairement son rapport à l’œuvre. On le voit bien lorsque l’on discute avec lui : les questions autour des technologies utilisées n’arrivent que dans un deuxième temps. Mais comme il s’agit de nouvelle matière de création (pixels qui s’ajoute aux pigments) et nouveaux formats de monstrations, notamment des écrans, des projections divers et variés, le numérique alors imposent des nouvelles rencontres avec les publics et les liens qui se créent.
Avec le recul, il paraît évident que le Covid a intensifié la popularisation des arts numériques et immersifs. Le Palais Augmenté est lui-même né en 2021. Crois-tu que ces confinements successifs ont incité le public à se tourner vers d’autres formes d’art, d’autres techniques ?
Roei Amit : Je dirais plutôt qu’il s’agit là d’un concours de circonstance. Bien sûr, l’isolement et les conditions sanitaires ont obligé les institutions à imaginer d’autres parcours d’exposition. Ça a créé un terrain de jeu propice à l’expansion de ces nouvelles technologies, mais je suis persuadé que l’avènement des arts augmentés se seraient tout de même produit. Le Covid a simplement accéléré le processus.
- Palais Augmenté 3, du 23 au 25 juin, Grand Palais Immersif, Paris.