Parce que chaque révolution technologique et artistique a des origines multiples, Fisheye Immersive remonte celles de la réalité virtuelle en cinq petites histoires capables d’éclairer la grande. Premier épisode avec « Sensorama », un outil censé favoriser l’immersion, pensé dès… 1957.
« Dans une ténébreuse et profonde unité, vaste comme la nuit et comme la clarté, les parfums, les couleurs et les sons se répondent », écrivait Charles Baudelaire dans le poème Correspondances, esquissant au passage une expérience synesthésique, voire multisensorielle. C’était en 1857. Plus d’un demi-siècle plus tard, la réalité virtuelle fait principalement appel à deux sens, la vue et l’ouïe.
En quête d’immersion
Lorsqu’on se penche sur l’histoire des technologies, on comprend toutefois qu’un appareil existe depuis les années 1960, et permet littéralement de « sentir » les films : « Sensorama », cet outil pensé par le réalisateur et inventeur Morton Heilig qui, en voulant imaginer le cinéma du futur, a tout bonnement créé la réalité virtuelle. À quoi ressemble cette invention ? À une machine, semblable à une borne d’arcade composée d’une chaise vibrante, d’un écran stéréoscopique, de haut-parleurs, mais aussi d’une soufflerie et d’un diffuseur de parfums.
Le public est alors invité à y plonger la tête, à interagir avec, de sorte à ce que la cabine puisse projeter un film 3D et, c’est là tout l’intérêt, provoquer quelques vibrations, faire émerger diverses odeurs et donner la sensation d’avoir les cheveux au vent. En clair, vous êtes sur une moto, le vent bat votre visage, les vrombissements du moteur courent sur la selle, tandis que les effluves caractéristiques de la Grosse Pomme chatouillent vos narines. Indéniablement, vous êtes à Brooklyn. Ou du moins, vous en avez l’impression.
Prémices de la VR
Si Morton Heilig conçoit un premier prototype fonctionnel en 1962, tout se joue en réalité deux ans auparavant, lorsqu’il dépose le brevet d’un « Sensorama » portable. Hélas, cet appareil ne verra jamais le jour. Faute de financement, le projet de borne de VR multisensorielle tombe à l’eau. Elle ne sera jamais commercialisée.
Retour vers le futur : Le dernier Laval Virtual – grand rendez-vous des technologies immersives – a fini par donner raison à l’inventeur. Dans l’un des halls, la queue s’est formée devant le stand d’Olfy, un accessoire pour casques réalisant le fantasme de Morton Heilig. Comment ? Tandis que des gens évoluent dans un jeu, bardés de vêtements vibrants et gants haptiques, un boîtier attaché aux casques s’occupe de diffuser entre trois et cinq parfums à intensité et durée variables. L’idée du « Sensorama » n’a jamais été aussi réelle.