Parce que chaque révolution technologique et artistique a des origines multiples, Fisheye Immersive remonte celles de la réalité virtuelle en cinq petites histoires capables d’éclairer la grande. Dans ce troisième épisode, focus sur un homme à qui Top Gun doit tout.
Dans les années 1960, alors qu’Ivan Sutherland imagine l’Épée de Damoclès, l’ingénieur Tom Furness sert dans l’armée de l’air américaine. Sa mission ? Simplifier l’expérience des pilotes de chasse. Pour cela, il rejoint l’Armstrong Lab, dont les travaux se concentrent sur l’étude des interfaces homme-machine. « Dans un avion traditionnel, il y avait 75 écrans et 300 boutons, dont 11 juste sur la manette de contrôle et 9 sur l’accélérateur, raconte-t-il. On parle ici de pilotes qui volent à plus de deux fois la vitesse du son et flirtent avec leurs limites physiques, face à des puissances ennemies ».
A l’époque, les cockpits des avions de chasse utilisent quelques images de synthèse. Ce n’est pas si courant, mais l’existence d’un tel procédé fait naître une réflexion dans la tête de l’ingénieur : et si on pouvait les multiplier et les faire bouger en fonction des mouvements de la tête du pilote ? Tom Furness réalise alors un système capable de détecter ces mouvements et de projeter dans le viseur du casque des informations imagées. Oui, vous l’avez deviné : Top Gun doit tout à Tom Furness.
Extension du corps
Quelques années plus tard, Furness pousse l’expérience plus loin avec le Super Cockpit, qui se porte littéralement sur les épaules du pilote. « Le Super Cockpit projette une scène en 3D visuelle et audio, détecte yeux, tête et mains pour marier vos sens au système de la machine ». Autrement dit, l’interface se veut être une extension du corps du pilote. L’appareil est fonctionnel en 1982, mais il faut toutefois attendre 1986 pour que la nouvelle de cette invention s’ébruite hors des rangs de l’armée. On demande alors à l’ingénieur si son système pourrait être adapté dans les salles d’opération des hôpitaux, ou auprès des pompiers lors d’interventions. Furness quitte l’armée en 89 et s’établit à l’Université de Washington pour démocratiser la réalité virtuelle.
En 1993, son laboratoire collabore avec l’entreprise Virtual Vision : « On lance alors un casque qui ressemble à des lunettes de ski et fait à peu près ce qu’un Holosens fait aujourd’hui ». Malheureusement pour lui : la machine fait un bide commercial, sauf auprès des dentistes qui l’utilisent pour distraire leurs patients de la douleur.