La HEK de Bâle, en Suisse, nous plonge esprit et corps dans les canaux labyrinthiques du Web3 avec sa nouvelle exposition Exploring The Decentralized Web – Art On The Blockchain. À voir du 2 septembre au 12 novembre.
Quoi de plus frustrant face au Web3 que ce sentiment de n’y rien comprendre, alors même que l’on nous dit qu’il est en train de changer la face du monde… ? Observatrice inquiète de ce décalage, la HEK a logiquement pensé qu’il fallait penser une exposition en mesure de combler nos lacunes, capable de nourrir notre esprit critique. Quoi de mieux, dès lors, que d’examiner la technologie de la blockchain en l’interrogeant de l’intérieur ? C’est en tout cas l’exercice auquel se sont prêtés les artistes réunis pour Exploring The Decentralized Web – Art On The Blockchain.
À peine mis les pieds au sein de l’espace d’exposition, on comprend que la démarche est totalement méta : porter un discours, un regard sur la blockchain, ceci en passant directement par elle. Ainsi des Lifeforms de Sarah Friend et de ses NFT qui survivent seulement s’ils sont régulièrement revendus, qu’ils génèrent ou non des bénéfices pour leurs propriétaires – ce n’est donc pas un hasard si l’installation constitue une sorte de cimetière pour les formes de vie qui ont cessé d’exister entre-temps. Ainsi de Rhea Myers, qui joue avec les aspects de la blockchain afin de créer des œuvres collaboratives qui subvertissent la logique du marché et révèlent les mécanismes sous-jacents du fonctionnement des contrats intelligents.
Une optique d’empouvoirement
Loin d’être élogieux ou conciliants vis-à-vis d’une innovation qui promet monts et merveilles, l’exposition invite les artistes à montrer qu’ils ne sont pas dupes. Comment ? En les incitant à créer des œuvres qui soulèvent des questions sur les problèmes très controversés que cette technologie engendre. À la crypto-idéologie dominante et aux NFT auxquels ils ont parfois recours, Botto, Simon Denny & Guile Twardowski, Operator, Chloé Michel ou encore Lukas Truniger opposent sans manichéisme des contre-récits pluriels.
Ce contrepied est évidemment une bonne nouvelle. Parce qu’il rappelle à quel point les artistes ne doivent jamais se contenter d’endosser le discours prévalent. Et parce que ces oeuvres permettent de poser un autre regard sur le Web3, de l’observer pour ce qu’il est, dans toutes ses nuances, afin que le brouillard opaque qui l’entoure commence doucement à se dissiper…