Depuis 2014, l’artiste pluridisciplinaire Alex Augier propose des représentations numériques mêlant sons électroniques et visuels digitaux. Toujours à la recherche de nouveautés, ce touche-à-tout, a fait sa place dans le monde artistique depuis une dizaine d’années. Rencontre.
« L’objectif n’est pas de faire la plus belle musique ou les plus belles images mais de créer une prestation audiovisuelle définitive et indivisible. »
« C’est vrai que je me sens davantage musicien, sans pour autant être monomaniaque. Pour tout dire, je m’intéresse à pleins d’autres choses. »
« Même si ce que je fais est transversal, je me définis plutôt comme un musicien. Chacun de mes projets dépend moins d’une approche visuelle que musicale ». Lorsqu’on lui demande de se définir, Alex Augier ne fait que peu de mystères. Le Français a développé depuis une dizaine d’années son côté artiste, assumant volontiers ses multiples envies. « J’ai toujours fait de la musique, en autodidacte, que ce soit de la batterie, du piano, de la composition… Ce n’est que plus tard que je me suis intéressé à la musique électronique, explique-t-il, avant d’émettre une nuance. Attention, quand je dis « musique électronique », c’est vraiment au sens de l’utilisation des sons et des instruments électroniques. Cela ne se résume pas au dancefloor ».
Mais alors en quoi consiste exactement son art ? Mêlant musique et visuels, Alex Augier s’appuie sur des programmes numériques afin de créer des performances d’une quarantaine de minutes qu’il joue, par la suite, en live sur les scènes du monde entier. Quant à savoir ce qui le différencie d’autres artistes, la réponse est simple : dans ses œuvres, il n’y a pas de musique sans images, et inversement. « Ce qui est très important pour moi, fondamental même – et c’est rarement comme ça –, c’est que mes performances audiovisuelles sont justement des performances audiovisuelles. Ce n’est pas comme si je faisais de la musique avant de m’atteler aux images. Dès le départ, il y a un concept audiovisuel, une idée audiovisuelle. Chez moi, tout est lié ».
Un art minutieux
Si un tel mélange peut opérer au sein des travaux d’Alex Augier, c’est avant grâce à un processus créatif méticuleux, réfléchi, particulièrement construit. À chacun de ses projets, l’artiste pluridisciplinaire pense tout en amont, passe des dizaines d’heures, voire même plusieurs mois, à programmer sur ordinateur ce qu’il souhaite réaliser. Selon lui, ce mode de fabrication lui permettrait, une fois sur scène, de ne plus avoir à se soucier du déroulement de son set-up. Son objectif ? « Ne pas faire la plus belle musique ou les plus belles images, mais créer une prestation audiovisuelle définitive et indivisible ».
Sur sa lancée, Alex Augier affirme comme l’un ne peut fonctionner l’autre. « L’idée, c’est en quelque sorte d’écrire la musique comme une pièce pouvant être interprétée sur scène. Mais avant de pouvoir en arriver à ce stade-là, il faut que la technique soit parfaite. Pour cela, je fais des tests de programmation avec un logiciel capable de gérer le son, les visuels et leurs placements dans l’espace ». Ces prestations, le Français les organise en tableau, un peu à la manière des jam sessions typiques du jazz : un début, une fin et l’opportunité d’évoluer au milieu en laissant place à l’interprétation. On lui parle alors d’improvisation, il rétorque : « Ça peut y ressembler, mais il n’en est rien. Pour le public, il faut quelque chose de plus pensé, surtout que mes sets durent autour de quarante minutes, ce qui est très long… Tout le défi est donc de faire en sorte que le public reste accroché. Sachant cela, l’improvisation est impossible… Ou du moins, je n’en ai pas le talent ! », s’amuse l’intéressé.
Performances hybrides
Passé par un master 2 à Saint-Etienne en réalisation de l’informatique musicale en 2012, puis par l’IRCAM, Alex Augier dit ne pas avoir été biberonné aux musiques électroniques. Son univers, son amour de toujours, ce serait plutôt la musique instrumentale. Heureusement pour nous, ce touche-à-tout reste curieux de ce qui l’entoure et aime à mélanger ses différents intérêts. D’où cette passion pour l’art musical digital : « C’est vrai que je me sens davantage musicien, sans pour autant être monomaniaque. Pour tout dire, je m’intéresse à pleins d’autres choses, notamment le design, l’architecture, les arts en général… La bonne nouvelle, c’est qu’il existe aujourd’hui de nombreux moyens de lier tout ça dans les projets. À commencer par les nouvelles technologies, qui me permettent de créer des visuels génératifs, de confier mes images à un ordinateur afin qu’il les calcule en temps réel ».
Influencé par d’autres artistes, comme Ryoichi Kurokawa ou Robert Henke, Alex Augier confie surtout trouver l’inspiration dans la musique classique, dont certaines de ses pièces reprennent le côté orchestral. Si le clin d’œil à ses origines de musicien est évident, le touche-à-tout dit bouleverser sa démarche à chaque nouveau projet. « J’aime bien changer, en effet. Je n’arrive pas à me dire que je vais refaire un projet et que cela va juste être une variante du précédent. C’est vrai que la tentation est grande de reproduire une formule qui marche, mais c’est encore là le meilleur moyen de tourner, de céder le pas à la fainéantise », analyse-t-il, avant de confier avoir envie d’aller encore plus à l’avenir. Afin d’approfondir certaines de ses idées, mais surtout dans l’idée de se démarquer d’une scène musicale toujours plus attirée par les set-ups visuels.
Pour Alex Augier, il y a toutefois une distinction à faire entre « la musique électronique et un groupe de rock où on voit les artistes jouer l’instrument. Là, on est derrière un ordinateur, ce qui peut-être un peu ennuyeux pour le spectateur. L’objectif est donc de trouver une proposition visuelle capable de pallier ce déficit. Et quitte à être en représentation, autant se mettre en scène et se sentir partir intégrante du dispositif », argumente-t-il, confirmant en quelque sorte qu’il ne sent finalement jamais mieux que sur scène. Très bien, mais n’est-ce pas paradoxal avec sa volonté de publier un album ? « C’est juste une manière de m’affirmer. Je n’arrête pas de dire que je suis musicien, donc il me paraît nécessaire de sortir des disques. De tels objectifs me permettent de clarifier mon statut d’artiste. Le spectacle vivant se voit en vrai, il est fait pour se vivre, conclut-il. Malgré tout, j’aime bien l’idée de laisser une trace avec un disque, de fixer les choses ».