À l’occasion de l’exposition Ce que disent les plantes au Grenier à sel d’Avignon, Fisheye Immersive se penche sur ce nouveau lien, de plus en plus exploité, entre art numérique et botanique. Les jardins du futur seront-ils générés par ordinateur ?
Le centre d’art et innovation d’Avignon a surpris tout le monde à l’annonce de sa nouvelle exposition, visible jusqu’au 22 décembre prochain au Grenier à Sel. Associer botanique et art numérique… Il fallait y penser ! Pourtant, 13 artistes ont rapidement répondu à l’appel, enthousiastes à l’idée de livrer leur regard sur le végétal et offrir un éclairage aussi sensible qu’esthétique sur les préoccupations actuelles, notamment écologiques.
Si l’exposition Ce que disent les plantes met en scène une vingtaine d’œuvres faisant la part belle à l’intelligence artificielle, de nombreux artistes ont déjà réfléchi au rapport entre nature et création numérique. C’est par exemple le cas de Tom Lellouche, artiste plasticien qui crée des sculptures dans l’espace public à partir de matières organiques. Son œuvre ECHO, une grande sculpture en acier avec une cuve centrale donnant vie à un écosystème aquatique, invitait notamment les spectateurs à interagir avec la cuve via un cercle de lumière équipé de capteurs entourant cette dernière et permettant ainsi de maintenir la vie dans l’écosystème.
Cyberculture et engagement politique
En phase avec notre époque, les artistes usent de leur pouvoir créatif pour porter des causes. L’écologie n’y échappe pas : nombreuses sont en effet les initiatives artistiques engagées en ce sens. Citons par exemple Alexandra Regan Toland, dont l’œuvre Dust Blooms nous alerte sur la valeur des fleurs dans notre écosystème urbain en faisant l’objet d’une présentation dans la catégorie « Hybrid Art » d’Ars Electronica, édition 2017.
Pour sensibiliser au réchauffement climatique, le duo Magali Daniaux et Cédric Pigot a quant à lui mis en ligne un inventaire de l’Arche de Noé végétale, projet initié en 2008 où se trouve un coffre-fort enterré dans les glaces aux confins de la Norvège contenant un million de semences destinées à être conservées pour l’éternité avant que la fonte des glaces ne s’en mêle. Jusqu’au-boutistes, les deux comparses ont également tout contextualisé grâce à de la vidéo, du son, des textes, ainsi qu’un dispositif 3D montrant une allégorie des tunnels vides, sorte de tragique dystopie.
De l’immortalité du végétal
Cette thématique fut également le sujet de l’exposition Vegetation as a Political Agent qui a eu lieu à Turin en 2014-2015 à l’initiative de l’artiste Piero Gilardi, prolongeant les réflexions et actions d’artistes, d’activistes, d’architectes et de théoriciens sur le sujet. C’est dans ce cadre que l’installation numérique Siegesgärten d’Inès Doujak (2007) reprend les codes graphiques des sachets de graines afin de dénoncer la biopiraterie opérée par les multinationales et l’exploitation néo-coloniale des ressources naturelles des pays en développement par les grands puissants de ce monde.
Au-delà de la réflexion critique, une exposition permet aujourd’hui de réduire la scission entre l’humain et le règne végétal : From Solastalgia, organisée dans le cadre du Festival )accès(, invite en effet « à retrouver de l’empathie envers le végétal, à en prendre soin, à travers les œuvres sensibles et poétiques d’artistes contemporain.es manipulant le numérique sous ses multiples formes. » Parmi eux, on retrouve d’ailleurs Donatien Aubert et Sabrina Ratté, également présents au Grenier à sel. À croire que l’offre culturelle en cette rentrée 2023-2024 forme un seul et même cycle. Végétal, forcément.