Il y a quelques mois, nous faisions le récit enthousiaste de l’immense rétrospective belge de Bill Viola, Sculptor of Time. Aujourd’hui, le pionnier de l’art vidéo cesse de jouer avec le temps et nous quitte, à l’âge de 73 ans.
Il exploitait la vie comme matière première, et voyait la mort comme une simple transition. Considéré comme l’un des pionniers de l’art vidéo, l’Américain Bill Viola a été retrouvé inanimé ce vendredi 12 juillet, chez lui, à Long Beach, Californie, des suites de la maladie d’Alzheimer, dont il était victime depuis 2012. Il avait 73 ans, et c’est évidemment une perte considérable pour le monde de l’art qui pleure la disparition de l’un des grands noms de la scène avant-gardiste, très tôt intéressée par l’idée de nouer un lien fécond avec les technologiques numériques. Bill Viola lui-même disait être « être né avec la vidéo ».
Un artiste métaphysicien
Né à New York en 1951, Bill Viola, bien que grand dessinateur, tombe très vite amoureux de la vidéo, à une époque où « on portait bien 20 à 30 kg sur l’épaule pour filmer une vidéo, et l’ordinateur n’existait pas ». Rapidement, ce disciple de Nam June Paik fait de la caméra son médium principal. Un médium qui lui permet de produire les œuvres d’autres artistes (Vito Acconci ou Chris Burden), mais aussi de réaliser ses premières pièces (Information, par exemple), caractérisées par des images brouillées, rarement nettes, volontiers expérimentales.
Les années passant, Bill Viola ajoute peu à peu du spirituel à sa formule, explorant des thèmes métaphysiques, jouant avec le temps au fil de ses grandes séries et d’impressionnantes installations immersives, des Burried Secrets (1995) aux Mirages (2012), en passant par les Transfigurations (2008). Bien souvent dépourvues de toute forme de narration – The Passing (1991) et The Dreamers (2013), où il expose davantage son intimité et ses souvenirs d’enfance, sont en cela d’excellents contre-exemples -, ses œuvres sont atmosphériques, mettant en scène les grands éléments naturels dans un ensemble hypnotique, rendu possible grâce à la technique du « slow motion » qu’il affectionnait tout particulièrement.
Un autre traitement de l’image
Ce goût pour la spiritualité et les questionnements existentiels, hautement inspiré par les grands maîtres du Quattrocento, c’est précisément celui auquel le Grand Palais tenait à rendre hommage en 2014 grâce à une magnifique retrospective retraçant 40 ans de pratique avant-garde. On découvrait ainsi, dans un parcours ininterrompu parfaitement scénographié, les réponses mystiques de l’Américain à trois interrogations fondamentales : « Qui suis-je ? », « Où suis-je ? », « Où vais-je ? ». On espère aujourd’hui que Bill Viola a enfin trouvé les réponses à ces questions, tout en souhaitant bon voyage à celui qui laisse derrière lui une pléiade d’œuvres immortelles, tantôt extrêmement lentes, tantôt dérangeantes ou grandiloquentes, mais toujours portées par une même volonté de questionner l’image, son traitement, son impact.