La dernière itération du grand projet interdisciplinaire de la londonienne Alexandra Daisy Ginsberg (Pollinator Pathmaker) prend ses quartiers au Musée d’histoire naturelle de Berlin avec une « oeuvre d’art vivante » dans une veine bio-art des plus médusantes.
On avait jusqu’alors tendance à penser que les outils numériques participent à l’épuisement des sols et à la disparition de la faune et de la flore, et non l’inverse. À raison : on sait en effet que les nanotechnologies et les IA ont recours à des data-centers colossaux et énergivores, à l’extraction minière, et qu’elles produisent des déchets non recyclables que l’on a tendance à enfouir à des centaines de mètre sous terre comme si, hors de notre vue, ils ne constituaient plus un problème…
Le tour de force d’Alexandra Daisy Ginsberg, artiste passionnée de sciences naturelles, a été de concevoir une installation écologiquement intelligente. Pour le dire autrement, Pollinator Pathmaker s’active pour aider les écosystèmes à se régénérer en développant un programme de collaboration artificiel avec les insectes pollinisateurs.
Une nature mutante
Dans la tradition des jardins d’artistes, après Derek Jarman et le français Benoît Piéron, une place de choix se doit donc d’être faite à Alexandra Daisy Ginsberg. D’origine anglaise et sud-africaine, connue pour ses oeuvres qui explorent les relations entre la nature et la technologie, l’artiste de 41 ans est au coeur d’une petite révolution : celle d’un « art inter-espèces » ! « L’œuvre d’art vivante de l’artiste pour les insectes pollinisateurs marque un changement urgent par rapport à la pensée centrée sur l’homme » estime la LAS Art Foundation qui a soutenu le projet.
Sur la forme, le projet consiste en une série de sculptures vivantes faites de plantes et d’une plateforme participative. Chaque sculpture y est conçue à l’aide d’un algorithme spécialement créé par l’artiste, qui calcule des plans de jardins répondant aux besoins des pollinisateurs locaux au fil des saisons. Sur un bout de terrain de 722 m2, au musée d’histoire naturelle de Berlin, on observe ainsi croître, éclore et flâner cycliquement des milliers de plantes de quatre-vingt variétés différentes. Pour le plus grand bonheur des abeilles, des fourmis, des mouches et des papillons qui gravitent autour.
Ce spectacle, si rare au sein d’un monde où la disparition alarmante des espèces se multiplie, a donc au moins deux mérites : inciter à la reproduction du monde végétal, et rappeler à quel point le vivant et les intelligences de synthèse peuvent parfois s’allier – autrement que dans nos imaginaires. À quand son lopin de terre pour Pollinator pathmaker à Paris ?
- Pollinator Pathmaker d’Alexandra Daisy Ginsberg, au Museum für Naturkunde Berlin, du 20 juin 2023 au 1er novembre 2026.