L’immersif, un art de niche ? Pas vraiment, à en croire le nombre toujours plus croissant d’institutions spécialisées à travers le monde, ainsi que leur nombre de visiteurs, lui aussi, perpétuellement en hausse !
Le British Museum serait-il sur le point d’être détrôné ? Musée le plus visité d’Angleterre, ce dernier a beau avoir attiré 5,83 millions de visiteurs en 2023, le score est quelque peu inférieur à celui d’un nouvel espace immersif situé à quelques pas de l’institution numéro 1 du Royaume-Uni : Outernet, qui a enregistré pas moins de 6,25 millions de visiteurs au cours de sa première année d’exploitation. Collaborant avec de grandes entités prestigieuses telles que la Serpentine Gallery, Outernet n’est qu’un exemple parmi tant d’autres de l’expansion d’espaces immersifs à l’international et – surtout – du succès qu’ils rencontrent.
Un phénomène exponentiel
Depuis environ cinq ans, les institutions faisant usage des technologies XR s’installent durablement dans le paysage artistique. On compte d’ailleurs aujourd’hui plus de 100 institutions immersives à travers le monde, et les nouveaux espaces ne cessent d’allonger la liste ! Alors que la programmation parisienne s’est vue bouleversée avec l’ouverture de l’Atelier des Lumières (Culturespaces) en 2018, la même année, du côté de Tokyo, c’est Borderless, un espace muséal entièrement dédiée aux expérimentations de teamLab, qui attirait des millions de spectateurs (2,3 millions la première année, soit plus que le musée Van Gogh d’Amsterdam au cours de la même période).
Du Lume australien à la Sphère de Las Vegas, les institutions immersives prennent le pouvoir ! D’après Alexandra Payne, responsable de la création chez Outernet, ce succès répond à une demande de la part des publics, dans le sens où ces types de structures « créent des expériences qui valent la peine d’être partagées et des expériences communes ». Là où les musées traditionnels sont souvent accusés d’élitisme, les espaces immersifs seraient donc plus accessibles, aussi bien dans leurs contenus que dans leur approche.
Un réseau mondial
Cet attrait familial pour les expériences immersives, les entreprises spécialisées l’ont bien compris et n’hésitent pas à multiplier les ouvertures. Déjà à la tête de quatre espaces permanent au Japon et en Chine, TeamLab s’est ainsi installé à Abu Dhabi, quand Culturespaces entend agrémenter sa longue liste d’institutions internationales d’une petite nouvelle, à Hambourg, avec toujours la même recette : revisiter la vie d’artistes emblématiques (dont les œuvres sont très souvent tombées dans le domaine public….) et de mouvement de l’histoire de l’art grâce à des vidéo-mapping monumentaux.
Pour Peter Tullin, cofondateur de Remix Summits et membre du conseil d’administration de Grande Experiences et de Museums Victoria, « TeamLab a changé les règles. Ils ont construit une marque mondiale, non seulement grâce au développement d’une technologie immersive de pointe combinée à l’art numérique du 21e siècle pour développer des expériences captivantes, mais aussi grâce à l’intégration d’images spectaculaires que les visiteurs partagent avec enthousiasme sur les réseaux sociaux. Ce modèle leur a permis de contourner les gardiens traditionnels, tels que les musées et les galeries. » Assiste-on à un vrai tournant dans le domaine de la monstration muséale ? Peter Tullin est catégorique : « Le secteur culturel a d’énormes opportunités à saisir s’il embrasse cette nouvelle frontière, mais la révolution immersive apporte également avec elle de nouveaux concurrents d’une ampleur jamais vue auparavant. » Car, oui, rappelons-le une fois encore : le piège est de telles institutions est de faire du pied au grandiose et au grand spectacle, au détriment de la proposition artistique….