Quatre ans après la rétrospective Alfons Mucha au Musée du Luxembourg, la RMN (Réunion des musées nationaux) consacre une nouvelle exposition au maître de l’Art Nouveau, au Grand Palais Immersif. Intitulée Éternel Mucha, celle-ci propose de s’immerger profondément dans l’univers flamboyant, féminin et floral de l’artiste.
Pourquoi monter une nouvelle exposition sur Alfons Mucha, à Paris, quatre ans seulement après la rétrospective qui lui était consacrée au Musée du Luxembourg ? Tout simplement parce que le Grand Palais Immersif propose une approche différente et une manière dans l’air du temps de découvrir son travail. Dans Éternel Mucha, aucune œuvre réelle de l’artiste n’est présentée. Le visiteur les découvre, voire les pénètre, à travers des écrans géants ou des bornes interactives. Cette exposition immersive se distingue donc de celles de l’Atelier des lumières par un léger côté pédagogique et une scénographie plus vaste, investissant plusieurs salles bruts de béton, nichées au cœur de l’Opéra Bastille.
Dans la première, la plus impressionnante, trône un écran géant constitué d’un panneau central de 15m sur 20m, et de deux latéraux de 15m sur 14m. Y défile la vie de Mucha, de sa naissance le 24 juillet 1860, à Ivančice, à sa mort le 14 juillet 1939, à Prague, le temps d’un film d’animation divisé en trois actes : de la Moravie à Paris : l’invention de l’Art Nouveau ; le Pavillon de la Bosnie-Herzégovine à l’Exposition universelle : une période de transition ; et l’Épopée slave : un hymne pacifiste. En guise d’épilogue : le triptyque Les trois âges, un monument pour l’humanité inachevée.
Une expérience visuelle et olfactive
Pour apprécier l’intégralité du moyen-métrage de trente minutes, deux options s’offrent au visiteur : assis ou couché dans d’énormes coussins particulièrement confortables. La bonne nouvelle, c’est que Morphée n’a pas besoin d’intervenir : plutôt captivante, la projection, qui s’étale du sol au plafond, est en soi un rêve. Au-delà des œuvres majeures, dont chaque animation révèle les principes graphiques et les innovations artistiques mis au point par Mucha, le film embarque le public au Théâtre de la Renaissance et au pavillon austro-hongrois de l’Exposition Universelle de 1910.
Ces deux reconstitutions sont le clou du spectacle, même si elles manquent légèrement de précision, l’écran étant parfois partagé en plusieurs parties : au bas, des informations textuelles et des zooms sur des éléments essentiels d’une peinture. Principalement agrémentée de musique accentuant la dramaturgie, la projection donne aussi la parole à l’artiste : « Mes affiches m’ont permis de toucher le grand public… Les rues sont devenues des lieux d’exposition en plein air ».
À la fin du XIXe siècle, ses fameuses affiches de style Art Nouveau lui permettent de se faire connaître rapidement dans la Ville lumière. Parmi les plus célèbres, citons Gismonda et Lorenzaccio, réalisées pour l’actrice Sarah Bernhardt. La salle Triangle apporte notamment quelques précisions précieuses sur la conception de ces deux chef-d’oeuvres. Se déployant sur deux pans de murs bruts et une mosaïque d’écrans fixés au sol, une nouvelle animation 3D plonge le visiteur dans les milliers de détails des œuvres de Mucha – ceux qui en font toute la richesse.
Un dernier film projeté dans la salle dite « le salon » embarque le visiteur dans l’atelier de l’artiste, au plus près des modèles qui l’ont inspiré, comme l’homme levant les bras dans L’Épopée slave, cycle n° 20. Dévoilant des photographies à taille humaine, cette projection permet de découvrir les coulisses de la création des œuvres plus facilement que sur des originaux, souvent de petites tailles. On s’y croirait ! D’autant que pour mettre le spectateur dans l’ambiance, une atmosphère sonore et olfactive, inspirée des fragrances propres aux ateliers d’artistes au tournant du siècle, ont été finement développées.
Les bienfaits de l’immersion
Cette exposition sollicite à nouveau l’odorat le long des couloirs sur lesquels sont fixées des stations. En appuyant sur un simple bouton, le visiteur découvre les odeurs qui ont marqué la vie de l’artiste : celle de Sarah Bernhardt, de la campagne de son enfance en Moravie ou de l’église d’Ivančice, sa ville natale. Au final, l’immersion dans l’univers de Mucha est quasi totale. Le parcours rappelle que son œuvre, emblématique de l’Art Nouveau, a fini par le dépasser, influençant un grand nombre d’artistes dont des contemporains : preuve en est avec la découverte sur des bornes d’interviews du mangaka Akiko Hatsu, du street artiste El Mac ou encore de Julien Georgel, le directeur artistique de la série Netflix Arcane.
L’exposition Venise révélée, la première du Grand Palais Immersif, avait été particulièrement critiquée, à juste titre, mais Eternel Mucha se positionne un cran au-dessus. Ludique et pédagogique, elle offre un bel et juste aperçu de l’homme et de sa démarche artistique. Qui sait ? Elle pourrait bien donner envie aux curieux d’aller à la rencontre de ses œuvres éparpillées aux quatre coins du monde, mais essentiellement à Prague.
- Éternel Mucha, jusqu’au 05 novembre 2023, Grand Palais Immersif, Paris.