Moins une exposition qu’un cycle programmatique (conférences, workshops…), Permeable Bodies occupe l’Art Laboratory Berlin jusque novembre 2023, voyant se succéder artistes et chercheur·ses pour parler, en théorie et en acte, fluidité et connectivité des corps.
Permeable Bodies est un titre affirmatif, un manifeste sans ambiguïté. Nos corps sont perméables, c’est un fait. Traversés par un ensemble de flux, d’énergies, ils sont sensibles à leur environnement, interconnectés au monde. Si l’idée est chère à l’écoféminisme, elle l’est aussi à un autre courant, moins connu de nos jours : le cyberféminisme. Késako ?
Né dans les années 1990, à peu près en même temps que la généralisation de l’accès au web, ce mouvement réunit une communauté féministe s’intéressant au cyberespace, à Internet et aux technologies numériques. Avec, en tête, un objectif clair : démasculiniser l’informatique, et se servir du web et ses technologies pour faire imploser l’identité féminine traditionnelle. À l’image de l’ouvrage « Cyborg manifesto », écrit par l’une des pionnières du cyberféminisme, la philosophe des sciences Donna Haraway.
Un renouveau du cyberféminisme
Si le cyberféminisme s’est un peu étiolé avec le temps, à mesure que les technologies connectées ont pris un tournant de plus en plus sécuritaire et aliénant, sous contrôle étroit des puissances marchandes et politiques, de réelles propositions continuent malgré tout d’émerger chaque année.
À l’Art Laboratory Berlin, par exemple, le cyberféminisme semble animé d’un nouveau souffle, et nul doute que la présence des artistes Shu Lea Cheang et Ewen Chardronnet y est pour quelque chose : à travers une série de performances, elles y présentent différents volets de UNBORN0X9, projet collectif de piratage de nos appareils reproductifs afin d’émanciper les femmes des contraintes de la maternité. L’idée ? Parier sur « l’avenir cyborg de la parentalité ».
Le programme se prolonge via d’autres interventions qui secouent notre rapport au monde. Comme ce workshop « We’re not Lobsters ! », qui se sert de l’imaginaire numérique pour nous encourager/apprendre à hacker diverses technologies naturelles – types les menstruations. Au bout de ce parcours, qui s’étire jusque novembre 2023, une autre vision du corps se profile, plus fluide, ne sourcillant pas à user de technologies low et hi-tech afin d’abroger les barrières entre les genres. Tout en révélant ce que celles-ci ont encore en réserve.