En 1955, menée par Victor Vasarely, une joyeuse bande de révolutionnaires se sont attelés à faire émerger un nouveau mouvement au sein de la galerie Denise René. Flashback !
Ouverte depuis 1945, la galerie Denise René se consacre rapidement à l’abstraction, alors en vogue dans les milieux culturels parisiens. Parmi les artistes soutenus par la galeriste, un certain Victor Vasarely, qui, dans les années 1950, fait changer sa pratique de bord. En s’intéressant à la matérialisation artistique du mouvement, de l’espace et du temps, le Hongrois installe les prémices de ce que l’on a fini par appeler l’« art cinétique ».
Un manifeste esthétique
De par son geste avant-gardiste, Vasarely inspire sa galeriste historique, Denise René, donc. Épaulée par le commissaire Pontus Hulten, celle-ci imagine en 1955 Le Mouvement, une grande exposition collective rassemblant Alexander Calder, Marcel Duchamp, Yaacov Agam, Pol Bury, Jesús Rafael Soto, Jean Tinguely et, bien entendu, Victor Vasarely, dont les œuvres évoluent au gré des déplacements des visiteurs et de leurs interactions. Entre pièces motorisées, illusions d’optique et abstraction revendiquées, l’art cinétique rompt avec la peinture de chevalet, et affiche son ambition : intégrer pleinement l’œil et le corps du visiteur dans son appréciation.
Une exposition influente
Auréolée d’un franc succès, une décennie avant l’apparition du terme « op art », la galeriste parisienne réitère l’opération en 1975. D’abord via une version new-yorkaise de son exposition, puis via la publication d’un ouvrage pour accompagner la visite, Le Mouvement. Paris 1955. Comprenant des textes de divers artistes et critiques d’art, ce catalogue d’exposition cache également en son sein un petit livret jaune où il est écrit : « Notes pour un manifeste ». Plus de doute : un nouvel art est né. Dans ce texte, Victor Vasarely imagine que la possibilité de reproduction et de production en série remplacera l’œuvre unique, mais exige aussi la création d’une forme d’art créée pour le grand public, et non plus par une élite. Une revendication presque politique que Vasarely affirme sans trembler dès les premières lignes : « L’art de demain sera trésor commun ou ne sera pas ». De quoi prédire le pop art et ses sérigraphies, mais également l’art à l’ère de la reproduction numérique et des œuvres digitalisées, désormais éternellement visibles sur un écran.