L’œuvre du jour : « Æqualia » d’Emilija Škarnulytė

L'œuvre du jour : "Æqualia" d'Emilija Škarnulytė
“Æqualia”, installation vidéo monocanal, 9 minutes, 2023 ©Emilija Škarnulytė/Canal Projects

Repérée en mars dernier lors de la dernière édition du Festival Tono de Mexico, l’installation immersiveÆqualia nous invite à nager dans les eaux troubles de Manaus, au Brésil. Pour mieux inciter à réfléchir sur les conséquences de nos actes ? Tout à fait !

Il existe un endroit au Brésil où les eaux blanches et laiteuses du Rio Solimões rencontrent l’onde noire du Rio Negro et donnent naissance au fleuve Amazone. Ce carrefour, nommé « Encontro das Águas » (« Rencontre des Eaux » en VF), donne à voir deux rivières clairement identifiables, un paysage totalement fascinant où deux couleurs, deux températures et deux profils chimiques totalement opposés évoluent côte à côte, comme l’huile et l’eau, avant de fusionner six kilomètres plus loin.

Emilija Škarnulytė,  Æqualia, Installation vidéo monocanal, 9 minutes, 2023 ©Canal Projects/Izzy Leung

Aux frontières du réel

Se glissant dans la peau de la sirène Æqualia, l’artiste et cinéaste lituanienne Emilija Škarnulytė profite de sa nouvelle installation pour nager dans cet écosystème d’exception où les dauphins roses – plus connus sous le nom de botos – rencontrent des tourbillons fractaux, et où les eaux froides du Rio Solimões (issue de la fonte des glaciers) jouxtent les courants chauds et opaques riches en nutriments du Rio Negro. La créature chimérique, incarnée par l’artiste, existe ici à l’intersection de plusieurs royaumes, humains ou non, réels ou mythologiques.

Achevé en 2022, le tournage d’Æqualia a donné lieu à un film de 9 minutes où Škarnulytė avertit le spectateur sur les répercussions concrètes des agissements de l’être humain sur cet espace fluvial. Pour un résultat tristement prophétique… En octobre 2023, moins d’un an après que le clap de fin ait été frappé par les équipes de tournage, la Encontro das Águas s’est en effet tarie en raison de sécheresses excessives entraînant la mort massive des merveilleux botos. On pourrait dire que le réel, une fois de plus, rattrape la fiction. On préfère plutôt affirmer cette certitude : il est de temps de prendre sérieusement en considération les réalités – écologiques, sociétales, etc. – dont les artistes se font l’écho.

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