Le musée d’art de l’Université de Duke a demandé à ChatGPT d’organiser une exposition, Agissez comme si vous étiez un conservateur : une exposition générée par IA, soulevant au passage les incapacités des intelligences artificielles à remplacer un conservateur en chair et en os.
Alors que de nombreux professionnels craignent que l’intelligence artificielle n’altère leurs fonctions, Marshall Price, conservateur en chef du Nasher Museum of Art, fait le pari de confier la conception de la prochaine exposition du musée à ChatGPT : Agissez comme si vous étiez un conservateur : une exposition générée par IA. Une idée lancée à la volée, presque comme une blague, qui a pourtant nécessité six mois de travail. Et oui, il a bien fallu enseigner au chatbot à identifier les 14 000 œuvres qui composent la collection de l’établissement de Caroline du Nord afin d’en tirer une sélection répondant à des thématiques données par les équipes du musée : la dystopie, l’utopie, le rêve et le subconscient.
Curation et algorithmes : IA-t-il un réel intérêt ?
Intitulé « Rêves de demain : visions utopiques et dystopiques », le projet généré par ChatGPT est considéré comme « thématiquement cohérent mais visuellement décousu » par Marshall Price, qui s’amuse du résultat sans craindre pour la suite de sa carrière. « L’algorithme insistait sur le fait que nous incluions plusieurs lithographies de Dalí sur les mystères du sommeil, explique Julia McHugh, conservatrice et directrice des initiatives académiques du musée. Mais on ne sait pas pourquoi ChatGPT a présenté d’autres objets dans l’exposition, notamment un vase en céramique mésoaméricain, dans un état si mauvais que je ne l’expose habituellement pas. »
À cela s’ajoutent de mauvais titrages d’artefacts ou des descriptions d’œuvres erronées, les outils liés à la conservation muséale en étant encore à leurs balbutiements. Cependant, le Nasher Museum of Art admet qu’il s’agit là d’un outil formidable, qui permet de parcourir toute la collection en quelques secondes et faire apparaître des œuvres d’art que les humains auraient pu ignorer, tout en mettant en lumière les erreurs régulièrement faites par les équipes du musée.
« Vous obtenez vraiment un portrait du monde de l’art, déclarait d’ailleurs Christiane Paul, conservatrice du Whitney, au sujet d’un projet similaire mené l’année dernière à l’occasion de la Biennale de Liverpool. L’outil a rapidement identifié des schémas répétitifs dans les textes d’exposition en contradiction avec les objectifs curatoriaux visant à montrer la véritable diversité de la scène artistique mondiale. » De quoi mieux appréhender les professions muséales, sans pour autant s’y substituer.