L’installation Positively Charged de l’artiste anglaise Kasia Molga s’intéresse à un thème particulièrement d’actualité, mettant au centre du débat notre rapport à l’énergie électrique : comment nous la produisons, comment nous la consommons. « À l’origine, rembobine-t-elle, le projet a démarré lors d’un workshop avec des enfants de Taipei lors duquel les jeunes me parlaient de leur vision de la ville du futur. Les propos tenus étaient très profonds, éco-responsables, portés sur le sens du collectif. Nous avons approfondi les discussions jusqu’à nous concentrer sur l’un des plus gros défis des années à venir : l’énergie électrique. C’est à partir de là que j’ai eu l’idée de faire cette installation. »
« Je ne voulais pas beaucoup de composants électriques dans cette œuvre, simplement du public participant pour l’animer »
Si une ville industrialisée d’un million d’habitant·es peut consommer environ 10 000 mégawattheures (soit 10 000 kilowattheures par habitant·e), quel modèle durable et régénératif est-il possible d’imaginer ? Positively charged a la particularité d’être une œuvre interactive et collaborative qui envisage les membres du public comme des sortes de « batteries vivantes ». Combien de kilowatt peuvent-ils produire par eux-mêmes ? Et, surtout, comment fonctionne cette production ?
C’est ainsi que les visiteurs sont invités à produire l’énergie alimentant l’installation. Grâce à leurs battements de cœur et à des mouvements de manivelles, des dizaines de fil à LED bleues composant la structure – ainsi qu’un paysage sonore – s’activent et s’éteignent progressivement. Le rendu esthétique est d’autant plus époustouflant qu’il dénote par son éco-conception assumée (matériaux biosourcés, simplicité du dispositif…).
Spectateurs connectés
Cet esprit DIY invite à porter un regard différent sur la façon de produire une œuvre d’art et la notion d’interactivité souvent associée à des dispositifs high tech : « Pour moi, l’interactivité ne signifie pas avoir un dispositif numérique complexe, témoigne Kasia Molga. L’interaction est d’abord à observer dans notre rapport au monde, à la nature, aux autres. Les artistes peuvent fabriquer des œuvres sans dépendre des entreprises de la Silicon Valley. Je pense qu’il est important de revenir aux questionnements essentiels : qu’est-ce qu’une œuvre simple et accessible ? Comment le public se projette-t-il, comment s’approprie-t-il une œuvre ? Je ne voulais pas beaucoup de composants électriques dans cette œuvre, simplement du public participant pour l’animer ».
L’action du public est en effet un élément clé du dispositif de Kasia Molga. Les visiteurs doivent non seulement « s’investir » pour déclencher l’installation, mais aussi trouver le bon rythme dans les mouvements de manivelles au risque de créer un déséquilibre dans l’éclairage qui finira par éteindre tous les fils électroluminescents. En rendant le public collectivement responsable de la « vie » de l’œuvre, Kasia Molga souligne notre relation à la technologie, à la ville, à la création et à l’énergie.
« L’interaction est un puissant levier pour expérimenter sa propre narration. La collaboration est ici essentielle : elle permet de ressentir la manière nous sommes interconnecté·es les un·es aux autres. De comprendre les liens complexes qui unissent les éléments et les êtres vivants. C’est mon approche de l’écologie et c’est comme cela que Positively charged est née », commente l’artiste, dont les œuvres – à mi-chemin du design fiction et des récits spéculatifs – sont exposées dans les plus grandes institutions et festivals internationaux : Centre Pompidou, Tate Modern, V&A Museum, Ars Electronica, etc.
Amorcée suite à un voyage en 2017 à Taïwan, Positively Charged, c’est important de le souligner, est produit par le studio Molga et l’agence Dark Euphoria spécialisée dans les dispositifs immersifs. Ella a déjà été présentée au festival Chroniques d’Aix-Marseille (à l’automne dernier) et est actuellement en accès libre au Stereolux de Nantes. Avant, sans aucun doute, d’être accessible à d’autres publics dans d’autres villes.
- Positively Charged de Kasia Molga, jusqu’au 25 juin 2023, Stereolux, Nantes.