Au sein de la galerie parisienne Exo Exo, jusqu’au 13 janvier, les artistes Lou Fauroux, Montaine Jean et Jeanne Yuna Rocher s’associent sous la houlette de la curatrice Camille Gouin. Ensemble, elles forment un fascinant groupshow revenant sur le passage, parfois difficile, entre monde réel et virtuel.
Curatée par la commissaire indépendante Camille Gouin, l’exposition part de la relation passionnelle de cette dernière avec le cyberspace, entamée dès son plus jeune âge. D’abord avec l’ordinateur familial, puis avec son premier portable, les plateformes de chat et l’évolution des réseaux sociaux. Le lien que l’on tisse avec ce monde connecté, beaucoup s’entendent à le décrire comme aussi angoissant que réconfortant. Pourtant, à en croire Camille Gouin, ce que l’on pensait appartenir au domaine de la science-fiction fait bel et bien partie de notre quotidien.
« Le cyberespace c’est Twitter, Discord, Amazon, Twitch, explique la curatrice. On peut penser ce que l’on veut de ces technologies, du numérique, des jeux vidéo et des réseaux, ils incarnent une réalité multiple à laquelle la fiction appartient et avec laquelle elles s’influencent. Elles sont le prolongement l’une de l’autre. Être un humain, c’est avoir des outils et des instruments qui augmentent sa réalité. C’est imaginer et faire des rêves : une matière virtuelle qui traite du réel parce que finalement le ‘réel’ et le ‘virtuel’ sont difficilement distinguables l’un de l’autre. »
Internet : du début à la fin
Pour explorer ces thématiques, trois artistes s’emparent des locaux de la galerie Exo Exo. La première, Jeanne Yuna Rocher propose de s’intéresser au traitement du shifting/daydreaming via la réalisation du magazine Errance, ici distribué et décliné en installation visuelle sur les murs. Le shifting/daydreaming, c’est le fait de déplacer sa conscience et son esprit d’une réalité à une autre – du boulot à TikTok, en somme -, presque dans une forme d’autohypnose. Si Jeanne Yuna Rocher se penche sur la forme du magazine, c’est parce qu’elle estime que la salle d’attente dans laquelle il est possible de feuilleter la revue est un espace liminal qui matérialise ce passage.
De son côté, la plasticienne Montaine Jean se questionne plutôt sur l’arrivée d’Internet dans nos vies, sur ces croyances et ces mythologies alternatives qui l’accompagnent. Son installation Dreams&Hopes reprend ainsi la forme d’un autel, renvoyant à la spiritualité sous-jacente à toute forme de technologie. Enfin, juste en face, la série The World Wide Surveillance Board series, Te SpaceX cemetery de Lou Fauroux met en scène l’idée hypothétique d’un cimetière virtuel, dans un monde où il n’y aurait plus d’espace sur Terre pour les morts.
Toujours fascinée par la finitude des choses, l’artiste parisienne, rencontrée dans son studio il y a peu, anticipe celle d’Internet à travers The Internet Collapses series : VOL.1 The Porn Selector, un film où l’on suit l’actrice pornographique Kasey Warner dans la quête de la survie de son industrie après le déclin des plateformes en lignes. Un récit somme toute logique pour celle qui a découvert son rapport à la vidéo en réalisant des films pornos à Los Angeles, et qui s’inscrit parfaitement dans le propos de cette exposition, possiblement résumable à son sous-titre : « Tu es contrarié parce que c’est la fin du monde et que tu es coincé entre deux réalités ».